Fanfics de Brandon

Omaeda Marechyo avait toujours eu une vie facile. Héritier d'une des cinq grandes familles nobles du Seireitei, il avait été élevé en s'entendant répéter qu'il serait un jour un haut responsable des armées de la Cour, que sa surcharge pondérale n'était rien d'autre qu'une preuve de sa richesse, que sa noblesse le mettrait toujours à l'abri de tout et que ''t'y es beau mon fils mange ta soupe'' etc etc etc... Du moins ça c'était avant d'entrer dans les armées de ladite Cour.
Chacune des cinq grandes familles nobles du Seireitei se devait d'avoir au moins un représentant haut placé dans le Gotei 13. Et comme leurs membres étaient naturellement dotés d'un reiatsu largement supérieur à la moyenne, c'était censé être chose aisée.
Les Kuchiki avaient vu chaque dirigeant du clan se succéder au poste de capitaine de la sixième division, les Kyôraku étaient depuis longtemps représentés par le capitaine de la huitième division, Shunsui de son prénom, et les Shiba avaient Kaien, un petit génie sorti en deux ans de l'académie et passé directement vice-capitaine de la treizième, dont nul ne doutait qu'il finirait capitaine (mais de toute façon le clan Shiba était tombé, donc ils n'avaient pas de leçons à donner).
Quant aux Shihôin, le clan ''Gardien de la Grâce Céleste'', ils avaient depuis des lustres la direction des Forces Spéciales, ce qui ne gênait personne, puisque les Marechyo voulaient une place au sein du Gotei 13. Le problème était survenu à la nomination de la déesse de l'éclair, communément appelée Yoruichi, qui avait, pour on ne savait quelle raison mystérieuse, fusionné les Forces Spéciales et la seconde division.
Pour Maresoshin, le dirigeant du clan Marechyo, cette situation était inacceptable. Les Shihôin qui dirigeaient déjà à eux seuls une armée équivalente, en terme de hiérarchie, au Gotei 13, se retrouvaient maintenant responsables en plus d'une division de ce même Gotei 13 ? Non, non, non, il fallait faire contre-pouvoir. Malheureusement, le plus puissant membre de sa famille, son fils Omaeda, ne semblait pas dépasser le niveau de troisième siège, ce qui était tout à fait insuffisant. Impossible de le nommer à un poste haut gradé tant que la Princesse serait aux commandes.
Maresoshin prit donc son mal en patience, et vit finalement une occasion lorsque ladite Princesse s'enfuit du Seireitei avec les traîtres Urahara Kisuke et Tsukabishi Tessai. Une certaine Soi Fon fut nommée à sa succession, un simple larbin selon lui. Le clan Fon appartenait à la petite noblesse, et la nouvelle capitaine n'était qu'une gamine. Jamais elle n'aurait les moyens de refuser la candidature d'un membre du grand Clan Marechyo. C'est donc bouffi d'orgueil et de confiance que Maresoshin envoya son fils intégrer la seconde division.

Le test d'entrée fut un désastre. Malgré sa puissance, Omaeda n'avait aucune expérience, aucune technique. Il finit le combat à moitié encastré dans le sol, son magnifique visage définitivement fichu (selon lui). Soi Fon, qui n'était encore qu'une gamine perdue dans un haori trop ample pour son frêle corps, le jaugea pendant quelques minutes, le regard glacé, méprisant. Puis elle se détourna et, alors qu'Omaeda s'attendait à voir les derniers restes de son orgueil voler en éclat, elle annonça simplement qu'elle le prenait dans sa garde personnelle, sous ses ordres directs.
Cette annonce, accueillie à grands cris de joie par ses parents (la garde personnelle du Commandant était vraisemblablement réservée à une élite), laissa le jeune homme perplexe. Il était évident que sa nouvelle capitaine voulait l'avoir en permanence auprès d'elle, mais pourquoi ? Le surveiller ? Le contrôler ? Le demander en mariage et signer une alliance entre leurs deux clans ?
La suite des évènements effaça définitivement cette dernière hypothèse. Soi Fon ne lui adressa aucun mot en particulier, se contentant de lui sauver la mise lorsqu'il était sur le point de se faire tuer. De plus, il était entourés de gens qui, s'ils n'avaient pas sa puissance, étaient infiniment plus doués et accomplissaient toutes leurs missions avec une froide efficacité.
C'est avec le temps qu'il comprit. A force de prendre des coups et de se faire humilier, il devint plus assidu aux entraînements. Et à force de s'entraîner, il devint le meilleur élément de la garde personnelle de la commandante, puis de la section Keigun, et même de la seconde division entière -à l'exception évidente de la capitaine. Il apprit à réfléchir et agir par lui-même, et lorsqu'elle fut sûre qu'il était entièrement autonome, elle le nomma à la direction de la seconde section des Forces Spéciales.
Pour Omaeda, cette récompense n'en fut pas une. Alors que sa famille le félicitait et le couvrait de cadeaux, lui regrettait son ancien poste. L'adrénaline de la section Keigun lui plaisait. Il vivait vraiment pour la première fois, se mettait en danger, travaillait en équipe avec d'autres. La seconde section était celle des gardes. Il n'intervenait que rarement, se contentant de diriger mollement les différents groupes. Malgré ses responsabilités, il n'oubliait pas d'où il venait. Il était un assassin.

Les assassins n'étaient pas comme les autres membres du Gotei 13. La dignité était une chose, l'orgueil en était une autre. Bien souvent, l'honneur dont se vantaient les shinigami des autres divisions n'était, selon les membres des Forces Spéciales, que de l'orgueil. La mission passait avant la fierté de chacun. S'il fallait tuer, on n'hésitait pas à attaquer par derrière. S'il fallait accomplir la mission, on n'hésitait pas à laisser ses alliés se faire tuer. Seule Soi Fon avait le niveau pour se permettre de sauver ses hommes, en tant que capitaine. La vie d'un soldat ne lui appartenait pas, il savait dès le départ qu'il risquait de mourir, et s'il fallait se sacrifier ou sacrifier un autre, il le faisait. C'était cette définition de l'assassin que Soi Fon prônait et encourageait.

Alors comment Omaeda avait-il pu apprendre l'honneur auprès d'elle ?

Les grandes portes de l'immense demeure se fermèrent dans un grincement plus léger qu'on ne l'aurait cru, et les sentinelles prirent leurs tours de garde. Il était désormais impossible d'entrer discrètement dans le palais, mais peu importait: ils étaient déjà dedans.
C'était les moments qu'elle préférait dans la journée. L'aurore et le crépuscule, juste quand on voyait la beauté du lever ou du coucher de soleil au loin, mais que les ombres restaient suffisantes pour se cacher. Dissimulés par le bakudo 26 ''Kyakko'', ils attendirent que la cour dans laquelle ils se trouvaient immobiles se vide pour se mettre en action. Puis, dans un ensemble parfait, ils se mirent en mouvement tous en même temps.
Six silhouettes masquées, toutes de noir vêtues, se séparèrent en groupes de deux. Les deux plus minces bondirent sur un balcon et se postèrent de façon à pouvoir voir sans être vues. Leur cible était là où elles l'avaient prévu, elles la voyaient par la fenêtre. Comme chaque soir elle serait la dernière de la maison à se rendre dans la salle de bain. Et personne ne se soucierait de ne pas la voir sortir, puisqu'elle y restait toujours bien après que chacun ait rejoint ses appartements. Elles n'avaient que quelques minutes, mais pour elles c'était une éternité. En un éclair parfaitement silencieux, les deux silhouettes masquées se déplacèrent vers une autre fenêtre, plus haut. Comme prévu, la cale qu'elles avaient installée était toujours là, l'empêchant d'être complètement fermée. Elles entrèrent, aussi légères que des ombres, et se dissimulèrent à nouveau grâce au kido.
Il ne fallut pas longtemps pour que la cible arrive. Lorsque la porte se ferma derrière la myriade de serviteurs qui l'accompagnaient et qui s'étaient vus renvoyés d'un geste dédaigneux de la main, les deux silhouettes bondirent. L'homme ne comprit jamais que sa gorge avait été tranchée, son dernier souvenir fut une main qui se plaquait sur sa bouche. Puis, aussi silencieusement qu'ils étaient arrivés, les assassins disparurent par la fenêtre.
Les six silhouettes noires se rejoignirent à l'ombre d'un grand arbre, dans le luxurieux jardin de la grande maison. Mission accomplie pour chaque groupe.
Lorsqu'ils passèrent les remparts, échappant à la surveillance des sentinelles, pour quitter les lieux du crime, quatre d'entre eux disparurent dans la forêt environnant l'habitation. Mais la plus petite des silhouettes, elle, marqua un temps d'arrêt en voyant que quelqu'un s'était arrêté. Puis Soi Fon s'évanouit elle aussi dans la nuit, laissant Yoruichi Shihôin contempler l'emblème présente sur les murs, une spirale descendante.

Le lendemain matin, les Forces Spéciales n'eurent pas à attendre longtemps pour recevoir une demande d'enquête. Yoruichi se précipita aussitôt dans la demeure de la veille, et s'aperçut sans surprise que l'un des habitants l'attendait à l'entrée. Alors Yoruichi serra une Kuukaku Shiba en pleurs dans ses bras, laissant ses propres larmes couler sur ses joues.

Mizuiro ne broncha pas lorsqu'un courant d'air frais fit frissonner son corps nu. Il ne tenta pas de ramener les draps sur lui. Il n'imprima pas vraiment le bruit de la porte de la salle de bain qui se fermait, et ne réagit que lorsqu'il entendit l'eau de la douche couler. Enfin, il se leva et, toujours sans prêter attention à sa nudité, entreprit de ramasser ses affaires éparpillées dans la chambre.
La femme avec laquelle il avait couché lui avait bien demandé de ne plus être là lorsqu'elle reviendrait, alors il ne voyait pas de raisons de traîner plus. Il s'aperçut qu'il ne se souvenait plus de son nom. Une pauvre quadragénaire méprisable de plus, une mère de famille qui avait couché avec un lycéen de quinze ans sans se poser plus de questions, voilà tout ce qu'il savait d'elle.
Il était injuste, rectifia-t-il mentalement en remettant son pantalon. Après tout elle avait peut-être le syndrome Gabrielle Solis, et si ça se trouvait c'était une femme malheureuse qui avait agi sans pouvoir s'en empêcher. Mais ça lui faisait du bien de penser que ce n'était qu'une pétasse quelconque. Une fois rhabillé, il sortit de la chambre sans un regard en arrière.

Comme convenu Keigo l'attendait devant le centre commercial. Le jeune homme remarqua tout de suite l'expression mélancolique de son ami, et son éternel sourire s'effaça. Il soupira. Mizuiro avait recommencé. Ça faisait environ six mois qu'il avait pris l'habitude de coucher avec des quadragénaires. C'était évidemment à cause de sa mère, qui passait son temps à ramener des mecs chez elle sans décrocher un mot à son fils. Le pire c'était que Mizuiro lui-même s'en rendait parfaitement compte, il le lui avait dit, mais il ne pouvait s'en empêcher.
Comme à chaque fois dans ces cas-là, ils renoncèrent à faire les boutiques et se dirigèrent directement vers leur café favori. Ce ne fut qu'une fois installés au fin fond de la salle, loin de tous, que leurs langues se délièrent.
Comme d'habitude Mizuiro évitait soigneusement le regard de son meilleur ami. Il se contentait de fixer son chocolat chaud (le seul réconfortant à peu près efficace) en racontant ce qui s'était passé. C'était de plus en plus sale à chaque fois, pensa amèrement Keigo. Il n'était pas dur de comprendre que Mizuiro était dégoûté par toutes ces femmes, et qu'il se dégoûtait lui-même.

Ce n'était que deux mois plus tôt que Keigo avait réellement saisi l'importance du problème. Il avait alors sérieusement conseillé à son ami d'aller voir un psychologue. Celui-ci avait acquiescé mollement, le regard dans le vague. Mais il ne l'avait jamais fait. Keigo avait compris qu'il avait trop honte pour parler à quelqu'un de son problème, que ce soit un professionnel ou ses autres amis. En réalité, pendant longtemps, Keigo seul avait su jusqu'où allaient les évènements. Ichigo, Chad, Tatsuki et tous les autres savaient juste que Mizuiro avait un faible pour les femmes plus âgées. Pour eux ça signifiait la vingtaine, rien de plus. Mizuiro refusait qu'ils soient au courant et Keigo se refusait à trahir cette volonté, mais en attendant il n'avait toujours pas réussi à convaincre son meilleur ami de voir quelqu'un. La solution était finalement venu de la s?ur du jeune homme. Comment avait-elle su, aucun des deux ne le savait, mais toujours est-il que c'était elle qui avait proposé une alternative au psychologue.

Un mardi, après les cours, Mizuiro poussa la porte d'un bâtiment et trouva la salle 204. Il poussa la porte et vit qu'une dizaine de personnes étaient assises en cercle au milieu de la pièce. Une seule chaise était libre, il était donc le dernier. En effet il était en retard: il avait failli ne pas venir. Toutes les personnes présentes se tournèrent vers lui. Un homme au centre parla mais il n'entendit pas vraiment ce qu'il disait. Il comprit néanmoins que tous l'attendaient. Il s'assit sur une chaise face à cet homme, inspira profondément et, les yeux fixés sur ses chaussures, parla:
''Bonjour, je m'appelle Mizuiro Kojima, j'ai quinze ans et je suis dépendant sexuel.''

''Gagné !!!''
C'était un vrai hurlement de victoire qui était sorti, presque involontairement, de la gorge de Byakuya. Pour la première, le jeune héritier du clan Kuchiki avait réussi à attraper sa rivale, Yoruichi Shihôin, et donc implicitement à la surpasser dans l'art du shunpô. Il savoura encore sa victoire durant une fraction de seconde, une minuscule fraction d'éternité, avant d'écarquiller les yeux. La princesse avait disparu, il ne restait plus que son haori qui tourbillonnait déjà vers le sol. En revanche, lui se retrouvait bloqué par une clé de bras, incapable de se dégager. Une voix espiègle lui susurra à l'oreille:
''Gagné.''
Il resta un instant sans voix, avant de se remettre à crier.
''-Mais non ! Je t'ai attrapée la première, c'est fini !
-Aaaaaaaaaaaaaaah ça a marché alors ?!''
Ses bras furent libérés et il put se retourner pour faire face à la Commandante des Forces Spéciales, confortablement installée sur leur branche d'arbre, des étincelles dans les yeux.
''-De quoi tu parles ?
-Grâce à ta participation, je viens de mettre au point la troisième technique de mon Shihô ! Et soit dit en passant tu ne m'as jamais attrapée.''
Byakuya se calma instantanément. Il avait l'habitude que son amie utilise leur jeu de chat pour essayer de mettre au point de nouvelles techniques, c'était toujours un spectacle fascinant quand elle réussissait. Il s'assit calmement en face d'elle et afficha une moue concentrée que Yoruichi trouva enfantine et bien plus mignonne que l'habituelle arrogance qu'il essayait d'afficher pour paraître digne de son rang.
''-Ça consiste en quoi ? Esquiver au tout dernier moment pour faire croire à l'adversaire qu'on est touché par son attaque ?
-Ouais, ça permet d'ouvrir une faille béante dans la garde de l'ennemi. Le seul inconvénient c'est qu'il faut ''sacrifier'' quelque chose au passage, comme mon haori, je sais pas trop pourquoi. Mais bon, je pense que je pourrais m'arranger pour qu'on puisse laisser quelque chose de plus petit.''
Ils cessèrent de parler quelques minutes, Byakuya essayant de cacher son besoin de reprendre son souffle. Yoruichi s'en aperçut mais décida pour une fois de ne pas relever.
Confortablement installés dans leur arbre, ils contemplèrent sans un mot le crépuscule qui apparaissait à l'horizon. Yoruichi aimait regarder les couchers de soleil et Byakuya aimait regarder Yoruichi. La princesse fixa l'astre jusqu'à sa complète disparition, ses yeux de chat lui évitant l'éblouissement. Lorsque l'obscurité reprit ses droits, elle détacha son regard de l'horizon et s'installa plus confortablement sur sa branche, appuyée sur le tronc. Byakuya adopta aussitôt un regard beaucoup moins éloquent.
''-Tu lui as donné un nom à ta technique ?
-Nan, pas encore, je trouve pas. Je demanderai à Kisuke et Kuukaku s'ils ont une idée. Et à Soi Fon, tiens.''
L'adolescent se renfrogna un peu, ce que son aînée remarqua du coin de l'oeil, et se mit frénétiquement à la recherche d'une idée.
''-Pourquoi pas 'l'utsusemi' ?
-La Cigale Volante ? Pourquoi la Cigale Volante ?
-Ben...''
''Parce que ça sonne bien'' lui paraissait un argument un peu faible, aussi il se hâta d'improviser une argumentation longuement travaillée et qui tenait debout.
''Ben c'est comme une nymphe qui mue en cigale. Elle sort de son corps pour s'envoler, toi tu changes de corps pour esquiver en gros.''
Oh le beau coup de bluff ! Pour le coup il était assez fier de lui. Yoruichi lui adressa un sourire qui signifiait qu'elle comprenait un peu trop de choses à son goût, mais peu importait, elle comprenait toujours trop de choses à son goût. Et puis elle était vraiment bien son idée, non ?
''Adjugé ! L'Utsusemi, troisième technique du Shihô, ça sonne bien ! Et puis de toute façon, je ne vois pas comment je pourrais refuser la proposition du futur chef du grand Clan Kuchiki.''
Byakuya grogna un peu pour la forme, mais en réalité ça ne le dérangeait pas plus que ça qu'elle se moque de lui. C'était la seule qui n'avait pas de manières ampoulées face à lui, c'était reposant.
''Bon, on devrait rentrer messire, ton grand-père va te tuer pour ton retard et je veux avoir le temps de voir ça.''
Le jeune homme acquiesça et contempla furtivement sa meilleure amie se lever et s'étirer longuement comme un chat. Pour éviter d'être repéré, il descendit rapidement en bas de l'arbre en shunpô. Yoruichi le rejoignit après quelques acrobaties histoire de se délier les muscles, et il lui tendit maladroitement son haori qui était resté étendu au pied de l'arbre, en détournant les yeux d'un air gêné. Trop mignon, pensa distraitement la princesse. Elle n'ignorait pas que son ami avait un béguin typiquement adolescent pour elle (pour tout dire le contraire l'aurait vexé) et s'en fichait royalement. Ça lui passerait.
Ils rentrèrent sans spécialement se presser au manoir Kuchiki, Byakuya se prit effectivement l'abattage du siècle, et ça lui fit un bien fou. Yoruichi savait pertinemment que le petit prince avait besoin d'elle pour lui faire garder les pieds sur Terre. Un enfant ne pouvait pas grandir sainement entouré uniquement de culs-pincés et sans aucun égal. Il lui fallait sa raclée de temps en temps, et une bonne dose d'impolitesse, pour pouvoir vivre.
Ce fut l'une des raisons pour lesquelles Yoruichi regretta le plus de devoir quitter le Seireitei pour accompagner Kisuke et Tessai dans le monde des vivants.

Environ un siècle plus tard.
Yoruichi, perchée dans un arbre en bordure des quartiers de la sixième division, observait d'un air réprobateur le petit Byakuya par la fenêtre de son bureau. Mais qu'il était coincé ! Et arrogant ! Non non non, ça n'allait pas du tout. Il s'était quand même battu pour que sa soeur puisse être mise à mort, enfin ! En plus de ça, elle avait entendu dire que lors de leur intrusion au Seireitei, lorsque son vice-capitaine avait perdu contre Ichigo, il avait refusé qu'il soit soigné, et par la suite qu'il avait même failli le tuer pour l'empêcher de sauver Rukia ?! Non, vraiment non, ça n'allait pas être possible. Yoruichi avait trop d'orgueil pour accepter que les préceptes de la noblesse Kuchikienne aient pu être plus forts que son influence à elle sur le terrible capitaine. Elle y passerait des années s'il le fallait, mais elle le ferait revenir l'adolescent indépendant qu'elle avait connu.
L'adolescent indépendant en question s'apprêtait à fermer son bureau pour rentrer chez lui, lorsqu'une voix connue entre toutes le fit sursauter (mais depuis quand sursautait-il ?!)
''Ohé, petit Byakuya, on joue à chat ?!''
Elle était là, perchée sur un arbre, les bras croisés sur sa poitrine, un sourire ravageur illuminant son visage. Imperturbable, il soutint longuement son regard. Une grande partie de ses hommes les observait, figés de stupeur, se demandant que faire. Yoruichi ne se départit pas de son sourire, bien qu'elle commençait à trouver le temps long. Elle ne voyait pas pourquoi il tentait vainement de la foudroyer du regard alors que tous les deux savaient pertinemment quelle serait sa décision.
Et en effet, il disparut dans un shunpô fulgurant et elle esquiva en riant comme d'habitude. Finalement il n'était peut-être pas si loin que ça le petit Byakuya qu'elle avait connu.

''Change le cours des eaux célestes, Nejibana !''
Dans une explosion de reiatsu, Kaien Shiba fit tournoyer son sabre qui se transforma quasi instantanément en un magnifique trident métallique, alors que dans la même seconde une trombe d'eau suivait son mouvement. Son agresseur s'esquiva d'un shunpô pour éviter d'être emporté.
Le vice-capitaine resta posté au même endroit, la vague gigantesque tournoyant autour de lui en suivant la lame de son arme. Il voulait profiter de ce moment pour reprendre son souffle, mais son adversaire ne l'entendait pas de cette oreille. Un sort de hadô l'obligea à se déplacer pour esquiver. Il n'était plus habitué, songea-t-il distraitement. En général quand une femme lui proposait un entraînement, d'une part il dominait toujours facilement, en bon vice-capitaine, d'autre part c'était plutôt prétexte à faire des choses pas très catholiques sur le sol du dojo ou dans une jolie clairière isolée. Mais ici il n'était question ni de l'un ni de l'autre. La silhouette fine de son adversaire se glissa dans une mince ouverture de sa garde, et il para de justesse un sabre court. Nejibana pivota dans sa main et s'abattit, entraînant avec lui une véritable trombe d'eau, mais elle avait déjà disparu pour attaquer sous un autre angle.
Il avait essayé durant un moment de combattre sans libérer son zanpakutô. Riche idée, tout ce qu'il arrivait à faire alors, c'était éviter d'être blessé. Il avait besoin de toute sa puissance pour pouvoir lutter. Visiblement, la jeune fille pensait la même chose. Tout en prenant appui sur un arbre pour se propulser, elle passa la main gauche sur sa lame et prononça la formule:
''Frappe jusqu'à la mort, Suzumebachi.''
Il distingua une faible lueur alors qu'elle fonçait à nouveau sur lui. Il préféra s'éloigner en se couvrant grâce à l'eau plutôt que de tenter de l'affronter directement. Il en profita pour détailler sa nouvelle arme: son avant-bras droit était à présent recouvert d'une sorte de bracelet métallique, relié par une très fine chaîne à un dard porté sur le majeur. Le tout aux couleurs du frelon. Kaien soupira. Il n'arrivait pas à croire que cette Soi Fon n'était même pas vice-capitaine. Yoruichi lui avait dit préférer la voir dans sa garde personnelle car elle était meilleur assassin que leader. Et d'après ce qu'elle lui avait dit, la petite avait encore une bonne marge de progression. Néanmoins cela n'inquiétait pas Kaien plus que ça sur l'issue du duel: lui-même était vu comme un futur capitaine, si c'était le cas pour cette fillette aussi, ils ne faisaient que se battre à égalité.
Soi Fon disparut un instant de son champ de vision, et il frappa vers le haut. Son adversaire se glissa derrière la vague à une vitesse impressionnante, et prit un instant appui sur son trident. Il le fit pivoter pour la déloger et elle disparut en shunpô pour poser rapidement les mains au sol, les bras tendus, et pivoter sur elle-même. Ses jambes fouettèrent l'air et Kaien para avec le manche de son arme. Le choc le propulsa violemment en arrière malgré tout, mais il s'estimait heureux: un coup de pied à bout portant décoché par une telle experte en hakuda aurait facilement pu lui briser les côtes et mettre fin au combat.
Il dérapa au sol et se campa solidement sur ses jambes, juste à temps pour recevoir l'assaut suivant. Soi Fon tenta un coup direct au visage avec son zanpakutô et il esquiva sur la droite. Emportée par son élan elle se trouva la seconde suivante à ses côtés, et il vit l'occasion de la surprendre en changeant son style de combat. Lâchant son arme, il frappa à la volée avec sa main gauche. Surprise, elle évita le coup de justesse en se baissant et riposta par une balayette. Il l'avait prévu et était parvenu à la devancer en se laissant lui-même tomber pour éviter d'avoir les tibias brisés. Dans la continuité de son mouvement, il se réceptionna sur son avant-bras et frappa à la volée avec ses jambes. La jeune fille esquiva en se rejetant en arrière. Pivotant sur lui-même il se remit debout d'un coup de rein et un tourbillon aqueux s'abattit aussitôt. Le mur d'eau poursuivit la jeune fille tout autour d'eux, dévastant les branches basses des arbres alentour. Cette fois-ci il pensait avoir repris l'avantage, mais elle se hâta de lui démontrer qu'il se trompait. Une lueur vaguement bleutée attira son regard et il disparut de justesse pour éviter le bakudô 62, Hyappo Rankan. Les dizaines de barres lumineuses le prirent en chasse, se plantant violemment dans le sol alors qu'il reculait en shunpô pour esquiver. Prenant appui sur un arbre, il tendit à son tour la main.
''Hadô 63: Raikouhou !''
Un gigantesque éclair surgit de sa paume, balayant le bakudô de son adversaire. Imperturbable elle l'évita et se précipita sur lui. Il para deux coups de pied sautés à l'aide de son zanpakutô et tenta de riposter. Tout en revenant au sol elle contra la lame adverse avec son pied gauche, pivota sur elle-même et frappa horizontalement avec le droit. Kaien se baissa et le coup de la jeune fille traça une profonde fissure dans le tronc de l'arbre derrière lui. Une nouvelle trombe fendit l'air et elle bondit en arrière pour l'éviter.
''Ça te dit d'arrêter ?''
Pour le coup Soi Fon resta figée deux bonnes secondes. La demande était totalement incongrue sans parler du sourire niais affiché sur le visage du vice-capitaine.
''-Vous êtes fatigué ? Demanda-t-elle, perplexe devant cette intervention en pleine action.
-Pas vraiment, même si j'ai pas sué comme ça depuis un moment. Non mais c'est juste que tu risques de me battre et que mon égo le supporterait difficilement.
-Comme vous voulez.''
Bon, zéro humour. Rien d'étonnant venant d'un membre du Keigun, ceci dit. Yoruichi était de loin l'assassin le plus drôle qu'il connaissait (si l'on considérait que Kisuke n'était plus un assassin, car il pourrait lui faire sérieusement concurrence). Bref.
Kaien déposa Nejibana, toujours en forme libérée, contre un arbre, et enleva sa veste de shihakusho qu'il balança négligemment par terre. Il avait chaud et était en sueur. Il saisit son zanpakutô et l'agita distraitement. Une fine pluie en jaillit et l'arrosa abondamment pendant quelques secondes. Il plaqua ses cheveux en arrière en soupirant d'aise et se tourna vers Soi Fon.
''Un petit rafraîchissement ?'' Proposa-t-il aimablement.
La jeune fille fit ''non'' de la tête, effarée devant ce spectacle. Kaien nota qu'elle n'était pas partie, ce qui était un bon point. Au lieu de ça, elle s'assit contre un arbre, les genoux ramenés contre sa poitrine et les mains autour, visiblement sans trop savoir que faire. Elle semblait ne pas vouloir abandonner la compagnie du vice-capitaine. Ça ne l'étonna pas.
Yoruichi les avait envoyés s'entraîner ensembles en prétextant que chacun trouverait enfin quelqu'un à son niveau, mais elle n'avait pas eu besoin de parler pour que le jeune homme comprenne sa véritable intention. Soi Fon n'était qu'une adolescente, bien trop jeune pour sacrifier sa vie à l'assassinat. La Commandante voulait qu'elle fréquente d'autres personnes, en-dehors du travail et de son clan (ce qui revenait quasiment au même), et qu'elle se lie à d'autres qu'elle. Ce n'était pas la première fois qu'elle s'arrangeait pour donner une vie sociale à ses hommes et Kaien avait une certaine expérience en la matière.
Il fit revenir Nejibana sous forme scellée, le rangea dans son fourreau, détacha celui-ci de sa ceinture et le déposa dans l'herbe à ses côtés. Puis il s'installa confortablement contre un arbre, en face de la jeune fille, et ferma les yeux pour profiter de la chaleur du soleil. Avec un peu de chance elle entamerait elle-même la conversation. Peu importe combien sa famille l'avait embrigadée dans les Forces Spéciales, elle restait une adolescente, et cherchait donc le contact.
''Yoruichi-sama attend-elle quelque chose de notre rencontre ?''
Bon OK, il ne pensait pas à quelque chose d'aussi direct, mais sur le principe il avait eu raison. Il rouvrit les yeux en adressant mentalement tout un tas d'insanités au rayon de soleil qui se permettait de l'aveugler, et regarda son interlocutrice.
''-Je pense qu'elle aimerait bien qu'on devienne potes.
-Pourquoi ?
-Sûrement pour tu aies une vie en dehors de ton boulot.''
Soi Fon eut une moue sceptique.
''-Je suis un assassin, fit-elle remarquer.
-Les assassins aussi ont le droit de s'amuser.
-Les assassins n'ont pas d'amis...''
Kaien nota mentalement que sa voix s'était faite plus faible.
''-Ah bah c'est sûr que si tu appliques les règlements mots pour mots, brailla-t-il en levant les yeux au ciel.
-Je ne comprends pas.''
Il soupira à cet aveux.
''-Pourquoi tu ne pourrais pas avoir d'amis ?
-Nous devons être capables d'accomplir toutes les missions qu'on nous donne. Si on nous demande d'assassiner quelqu'un, ou si nous devons abandonner un équipier et le laisser mourir, nous ne devons pas en être empêchés par une quelconque amitié.
-Tu récites ça comme une leçon que tu as apprise par coeur. Bravo petit robot.
-Mais c'est logique non ?
-Donc tu es prête à sacrifier ta vie sociale pour tes missions ?
-On travaille pour le Seireitei, c'est bien plus important que nos vies !
-Alors oui, tout ça est parfaitement logique.
-Mais alors ?!
-Ce qui est logique n'est pas forcément la bonne solution, Soi Fon. Yoruichi considère que vous avez aussi droit au bonheur, et je suis d'accord avec elle. Une ado ne devrait pas avoir à sacrifier sa vie pour quoi que ce soit.
-Mais alors on ne pourra pas accomplir toutes les missions possibles...
-Peut-être pas, non. Peut-être que si. Yoruichi le peut.
-Mais comment fait-elle ?!
-Elle s'assume.''
Soi Fon ne sut pas quoi répondre.
''-Elle s'assume ?
-Elle n'agit pas au hasard. Elle sait ce qu'elle a à faire et elle fera tout ce qu'il faut. Elle sait que des sacrifices doivent être faits ''pour le plus grand bien'', même s'il faut tuer des innocents. Et elle fait passer son devoir avant son désir, parce qu'elle l'a accepté.
-Mais c'est la même chose pour tous les assassins...
-Non, parce qu'elle elle en est consciente. Elle y a réfléchi et elle l'a décidé elle-même.
-Si un jour Yoruichi-sama devait vous tuer, elle le ferait ?
-Si elle juge que la raison en vaut la peine, oui.''
Soi Fon se tut. Elle était perdue. Dans le doute, elle se leva.
''-Je vais m'en aller.
-Attends.''
Kaien se leva à son tour et s'approcha d'elle.
''Penses-y, Soi Fon. Yoruichi veut que tu te lies à des gens, tu as le droit d'avoir des amis, tu peux en avoir et continuer...''
La suite de sa phrase se perdit. Soi Fon s'était tournée à une vitesse fulgurante et avait plaqué ses lèvres sur les siennes.
D'instinct il répondit au baiser. La jeune fille était hésitante et maladroite, il la sentait trembler contre lui, mais ne lâcha pas. Lorsque enfin ils se séparèrent, il laissa ses mains autour de son corps, un sourire se dessinant sur son visage.
''-Hé ben voilà...
-Au revoir.''
Et sur ces mots, la jeune fille disparut en shunpô. Kaien resta immobile un moment, sans pouvoir réagir. Il ne chercha pas à la rattraper. Lorsqu'il se remit en mouvement, il ramassa son sabre et sa veste, puis hésita. Il n'avait pas vraiment envie de rentrer. Alors il s'assit sous son arbre, le dos voûté et la tête entre les genoux.
Il était encore dans cette position lorsque Soi Fon revint.

‘‘Ohé, Kisuke !!!’’
Le capitaine de la douzième division se retourna en reconnaissant la voix familière. A ses côtés Hiyori grinça des dents en pressant ses mains sur ses tempes : la jeune femme qui venait d’apparaître était plus exubérante que ça n’aurait dû l’être autorisé avant onze et demie du matin, au moins.
‘‘-Désolé Yoruichi, je n’ai pas le temps d’aller m’entraîner maintenant, on a une réunion avec le vieux Yama.
-Kisuke, quand j’aurais envie d’aller faire un tour à la source chaude, je me débrouillerai sans toi tu sais.
-Je croyais qu’il parlait d’entraînement ?’’
Un point pour Hiyori. Mais Yoruichi aimait bien mettre son ami dans l’embarras. Le blond tourna les yeux vers la petite silhouette qui accompagnait sa ‘‘sœur’’.
‘‘-Salut Soi Fon !
-Capitaine, répondit celle-ci très sommairement en regardant ailleurs.
-Elle fait la gueule depuis ce matin, informa sa supérieure.
-Yoruichi-sama ! Je ne fais pas la gueule, je…
-Tu ?
-Je… J’avais juste une question à poser au capitaine Urahara…’’
Kisuke haussa les sourcils sans prêter attention à Hiyori qui commençait à crier pour savoir ce que c’était cette histoire de source chaude. Il se contenta de regarder Soi Fon avec un intérêt poli. La jeune fille se mordilla la lèvre un instant. Elle aurait préféré faire ça seule à seul, mais visiblement ça n’allait pas être possible. Elle compta mentalement jusqu’à trois et, surmontant sa répugnance envers le blond, se décida enfin à parler.
‘‘-Est-il obligatoire que la personnalité d’un zanpakutô et l’apparence d’un monde intérieur correspondent au shinigami qui les possède ?
-Un zanpakutô étant une part de l’âme d’un shinigami, il y a toujours une correspondance, mais elle n’est pas forcément évidente. Un zanpakutô peut représenter une part d’un shinigami que celui-ci réprime, consciemment ou non, par exemple.
-Une part qu’il réprime ?
-Oui, une part de lui dont il est privé et dont l’importance aurait été suffisante pour le changer complètement.’’
Yoruichi, sentant la gêne de sa disciple, prit le relais de la conversation, laissant la jeune fille se perdre dans ses pensées. D’un coup, Soi Fon se sentit tomber en arrière, comme lorsqu’on sort brusquement d’un rêve, et le temps d’un clignement de paupières, ses interlocuteurs avaient disparus et tout autour d’elle avait changé.
‘‘T’avais vraiment besoin de lui demander alors que je t’ai déjà expliqué la même chose ?’’
Soi fon ne répondit pas et se contenta de détailler, une énième fois, l’apparence de Suzumebashi. Une petite fille à couettes, au regard espiègle et au sourire mutin, le bras droit recouvert d’une sorte de cuirasse jaune rayée de noir, de grandes ailes de papillon multicolores semblables à l’Homonka dans le dos. Puis elle laissa errer son regard sur ce qui l’entourait. Effectivement, ça pouvait expliquer pourquoi son monde intérieur avait l’apparence d’une immense chambre d’enfant, entièrement rose bonbon, et remplie de gigantesques jouets en tous genres…

Le cero fusa à la vitesse de la lumière, provoquant une violente explosion qui fit trembler le sol de la clairière, mais les shinigami s’étaient dispersés bien avant d’être touchés. Certains fondirent sur leur adversaire, lui assenant de vains coups de sabre, frappant puis se défilant, les uns après les autres. Tous savaient pertinemment qu’ils ne pouvaient pas blesser le gillian, mais ils comptaient sur leur vitesse et leurs manœuvres pour le distraire et l’empêcher d’avancer.
L’arrivée de la créature n’était pas prévue. La treizième division avait été sollicitée lorsque un groupe important de hollow avait fait intrusion dans le monde réel. Une cinquantaine de membres avaient aussitôt été dépêchés sur les lieux, une zone montagneuse heureusement déserte, et avaient entrepris d’éliminer les monstres. Il était néanmoins surprenant qu’un tel nombre de hollow se déplacent en groupe, et très vite ils avaient eu l’explication de ce phénomène : les créatures fuyaient une autre bête, infiniment plus dangereuse. Les shinigami avaient tous senti la terreur les gagner lorsque le menos était apparu, fracturant le ciel dans une vision d’apocalypse. D’entrée de jeu, le monstre avait ouvert la bouche, et sa langue s’était étirée à une vitesse incroyable, sur plusieurs mètres de longueur, empalant une dizaine de hollow d’un coup, avant de revenir se loger dans la gueule de son propriétaire. Mais les shinigami étaient des soldats. Ils avaient dépassé leur peur et s’étaient élancés.
A leur niveau, ils ne pouvaient pas vaincre le gillian. Leurs coups de sabre étaient inutiles. Les plus puissants, les officiers, parvenaient à peine à l’entailler. Ils étaient environ cinquante, et pour gagner, il leur aurait fallu… Au moins cinquante hommes de plus. La demande de renforts avait été faite, d’ici là leur tâche était d’essayer de retenir le monstre afin que quelqu’un de plus fort qu’eux vienne l’éliminer. Néanmoins, la créature avait beau être puissante et invulnérable, elle était aussi lente et stupide, ce qui constituait un immense avantage pour une troupe de soldats surentraînés, rompus aux procédures d’urgence et au travail d’équipe. Malheureusement, ils avaient été surpris en pleine élimination de hollow, certains courraient encore. Ils étaient dispersés, trop pour lancer une offensive construite.
A chaque bout du champ de bataille, Kiyone Kotetsu et Kotsubaki Sentarô, les deux troisièmes sièges de la treizième division, et par conséquent parmi les rares personnes présentes à maîtriser le shunpo, se précipitèrent l’un vers l’autre. Les derniers hollow étaient purifiés, ils pouvaient lancer la riposte. Ils se rejoignirent finalement au centre de la vallée, plusieurs mètres devant le gillian. Leur animosité habituelle oubliée, tous deux sortirent chacun de leur ceinture deux petites plaques pentagonales, qu’ils jetèrent à la volée dans les airs, et tendirent les mains l’un vers l’autre. Les quatre petits objets flottèrent un instant, avant de soudainement se mettre à tournoyer autour de leurs bras, laissant s’échapper une sorte d’encre qui traça sur leur peau des arabesques noires aux angles carrés. Aussitôt, tous deux prirent la parole en même temps.
‘‘Fils de soie noirs et blancs, vingt-deux ponts, soixante-six couronnes…’’
Un double carré de lumière bleu se forma entre eux, les obligeant à plisser les paupières.
‘‘…Bruit de pas, tonnerre lointain, sommets enneigés…’’
Un nouveau cero explosa non loin, mais cette technique, bien que mortelle pour eux, avait une préparation trop lente pour que les shinigami se laissent toucher.
‘‘…Pluie drue, soir tombant, mer de nuages…’’
Le gillian avança d’un pas, avant de se stopper pour essayer à nouveau de chasser ces mouches qui bondissaient autour de son visage.
‘‘…Remplissez le grand cercle et étendez-vous aux quatre coins du ciel !’’
Un rugissement de rage retentit dans la vallée.
‘‘Bakudô 77 : Tenteikuura !’’
Des longues lignes de lumière sinueuses jaillirent du carré bleuté, alors que les esprits de tous les shinigami présents se connectaient pour recevoir les instructions de leurs supérieurs.
Aussitôt la voix tonitruante de Sentarô retentit dans leur tête.
‘‘Ne restez pas dans son champ de vision !’’
Les concernés obéirent rapidement. Le monstre, surpris, ouvrit la bouche, et tous les shinigami à portée s’éloignèrent le plus vite possible tout en mettant leurs sabres en opposition. Cette précaution leur évita de finir embrochés comme les hollow plus tôt, mais lorsque la monstrueuse langue du menos fusa, à une vitesse surpassant largement le shunpo des officiers, quatre silhouettes noires s’écroulèrent dans un même cri, le sang jaillissant abondamment des longues plaies tracées sur leurs corps. Réagissant avec la vitesse due à des heures d’entraînement, leurs huit camarades les plus proches se détachèrent aussitôt du groupe, rattrapant les corps désarticulés avant qu’ils ne touchent le sol. Deux pour chaque blessés, ils entreprirent de leur porter les premiers sorts de soin tout en les éloignant du combat. Bien entendu, aucun d’eux n’était ni guérisseur, ni suffisamment doué en kidô pour pouvoir les soigner efficacement, mais leur intervention rapide et continue permettrait de limiter les dégâts et d’éviter des morts.
Il n’empêche qu’en une seule attaque, douze membres de la division avaient été mis hors-combat. Cette fois ce fut Kiyone qui parla, sa voix se répercutant dans l’esprit de tous les combattants.
‘‘Bakudô 4 !’’
Joignant le geste à la parole, elle leva la main gauche, celle qui ne tenait pas le sabre, et une lumière dorée illumina ses doigts. Tout autour d’elle, la même action fut imitée par tous les soldats présents. Kiyone et Sentarô visèrent soigneusement la créature, et à nouveau chacun les imita. Avant qu’en une parole unique le même mot retentisse de la part de tous :
‘‘Hainawa !’’
Aussitôt, des cordes de lumière jaillirent des mains de chaque shinigami présent, venant ligoter le gillian à une vitesse folle. Certaines le bâillonnèrent, l’empêchant d’ouvrir la gueule pour attaquer à nouveau, alors que d’autres immobilisaient ses jambes. Puis, en un même mouvement, Kiyone et Sentarô pointèrent un index vers le visage de la créature, avant de parler d’une même voix.
‘‘Hadô 4 !’’
Dans la seconde qui suivit, chaque shinigami se précipita en bondissant dans les airs, pour venir se placer autour de leurs troisièmes sièges, avant qu’une quarantaine de doigts se pointent à leur tour sur le menos et que la formule retentisse à nouveau. Puis, encore une fois, dans un ensemble parfait, tous prononcèrent en même temps le même mot.
‘‘Byakurai !’’
De chaque doigt pointé fusa un éclair de lumière blanche. Les rafales s’abattirent instantanément sur le visage de la créature, la forçant à un net recul. Le masque se fissura, le flash aveugla momentanément les combattants présents. Mais lorsqu’ils retrouvèrent toute leur acuité visuelle, ils se rendirent soudain compte qu’une sphère de lumière rouge grossissait dans la gueule du monstre.
‘‘Dispersion !’’
Aussi vite qu’ils le purent, les shinigami bondirent à l’écart, ceux qui maîtrisaient le shunpo amenant un ou deux camarades avec eux. Mais lorsque le cero jaillit, trop rapide, trop large, certains se trouvaient encore sur sa trajectoire.
Il y eut un flash aveuglant, une explosion, et seule une forte bourrasque frappa ceux qui, la seconde précédente, semblaient voués à une mort certaine. Les concernés clignèrent des yeux, certains abaissant le bras qu’ils avaient instinctivement levé devant leurs visages, et ils s’aperçurent qu’une silhouette s’était interposée entre le rayon mortel et eux. Une petite silhouette qui avait, simplement à la force de son reiatsu, stoppé la terrible attaque.
Rukia Kuchiki, son sabre placé en opposition devant elle, se tourna vers les rescapés.
‘‘Ca va ?’’ Demanda-t-elle d’une voix maîtrisée.
Ceux qu’elle avait sauvé acquiescèrent d’un signe de tête. La jeune fille se concentra à nouveau sur l’ennemi. Celui-ci se contenta de rugir, mécontent de constater l’intrusion.
‘‘Hadô 54, Haien.’’
Rukia fendit l’air horizontalement de son sabre, et une flamme mauve en fusa à toute vitesse. Avant que les shinigami n’aient pu vraiment comprendre ce qu’il se passait, le masque du gillian avait été réduit en cendre, étouffant un nouveau rugissement. La créature commençait déjà à se dissoudre dans les airs lorsque la brune reprit la parole.
‘‘Pas de morts ? Qui est blessé ?’’
L’ambiance se détendit. Pas de morts, non, même si ça avait été juste. Des blessés, mais qu’elle pouvait aisément guérir. Kiyone et Sentarô félicitèrent la jeune fille à grands cris, on la conduisit vers ceux dont l’état était le plus grave. C’était elle qui leur avait été envoyée en renfort. Elle seule. Un simple fantassin, même pas officier. Pourtant personne dans la treizième division –et peu de gens dans le Gotei 13 entiers- n’ignorait pourquoi la brunette stagnait à ce poste. Et dire que pendant longtemps, ces mêmes camarades qui aujourd’hui la regardaient avec admiration l’avaient méprisée, la considérant comme une noble injustement dispensée d’examen d’entrée, dont le seul mérite était de posséder le plus beau zanpakutô de glace de la Soul Society. En réalité la seule véritable conséquence de sa noblesse sur sa carrière était justement de l’empêchait de monter en grade. Mais depuis longtemps déjà, aucun d’eux n’aurait voulu de quelqu’un d’autre qu’elle comme vice-capitaine de la treizième division…

Kokujô Tengen Myôô rengaina son épée et s'évapora peu à peu dans les airs, laissant place au triste spectacle de la rue totalement dévastée. Son bankai disparu, Komamura se retourna vers ses alliés, semblant simplement scruter le ciel. Loin au-dessus de la ville, cinq capitaines et leurs vice-capitaines faisaient face aux trois représentants les plus redoutables de l'Espada, accompagnés de leurs fraccion. Les trois renégats, Sôsuke Aizen, Gin Ichimaru et Kaname Tôsen, demeuraient immobilisés par le Jôkaku Enjô du Commandant Yamamoto, ce qui représentait un avantage hors de prix pour le Gotei 13. Le revers de cette médaille était que cet exploit, dont seul le vieil homme était capable, obligeait celui-ci à demeurer hors de tout combat de niveau trop élevé, car il devait maintenir la cohésion de la forteresse de flammes.
L'avantage numérique restait en leur faveur, songea Soi Fon en étudiant les rangs de l'adversaire. Elle pouvait sentir que les reiatsu émanant des espada étaient incroyablement puissants, et même plus élevés que les leurs -exception faite évidemment du Commandant. Mais elle savait que les shinigami avaient un avantage que les arrancar ne pouvaient espérer: un entraînement militaire qui se comptait en décennies, non pas en mois. Ceci était particulièrement vrai pour eux: peu importait la puissance de l'ennemi, un capitaine était capable de lutter et même de gagner contre un adversaire bien plus fort. Leurs capacités de combat ne leur venaient pas uniquement de leur pouvoir, mais aussi de leur entraînement et de leur expérience. Sauf bien sûr en ce qui concernait Kenpachi Zaraki.
La jeune femme avisa une petite silhouette gesticulante, à l'extrême droite des rangs adverses. Les fraccion envoyés détruire les piliers avaient tous été vaincus, le commencement de la véritable bataille n'était qu'une question de secondes, un simple geste suspect de chaque camp pouvant entraîner la riposte immédiate de l'autre. Et en voyant cette silhouette si frêle se démener comme un beau diable pour lancer l'assaut, elle décida que ce serait elle qui engagerait les hostilités.
‘’Suis-moi, Oomaeda.’’
Un shunpô amena les deux shinigami à l'autre bout du champ de bataille, en face de deux arrancar qui ne semblaient pas avoir remarqué leur venue, trop occupés apparemment à se battre entre eux.
‘’Putain Starrk, fous-moi la paix, tu vois pas que c'est le moment d'y aller là ?!
-Ta gueule Lilynette, on bougera pas tant qu'on y sera pas forcés !
-Tu veux y être forcé ?! Tu vas y être forcé à coups de pieds au cul, oui ! Vas de suite m'exterminer tout ça ou je te...
-Exterminer qui ça, précisément ?’’
Les deux compères cessèrent aussitôt leur manège, redevenant sérieux à une vitesse impressionnante. Soi Fon en profita pour les détailler mentalement. Un homme, grand et mince, brun avec les cheveux longs et une barbe de trois jours, un air souverainement blasé sur le visage, tenant à l'écart derrière lui une petite fille blonde, portant des vêtements clairement inadaptés pour son âge, la tête coiffée d'une sorte de casque orné d'une corne, couvrant son œil gauche, et qui faisait visiblement office de masque de hollow. Son regard s'attarda imperceptiblement sur la main de l'homme, posée sur l'épaule de l'enfant, la maintenant en sécurité derrière lui.
‘’Éloigne cette gamine.’’
Ignorant les cris de rage et les promesses de mort de ladite gamine, Starrk se contenta de froncer les sourcils en soutenant le regard de la capitaine.
‘’Pourquoi ça ?
-Tu ne voudrais pas qu'elle soit blessée.
-Je suis sûr que vous non plus.’’
Starrk marqua une pause, et relâcha l'épaule de Lilynette, qui avait cessé de crier, pour porter la main à sa tête et se masser la tempe d'un air las.
‘’Ce n'est pas le genre d'un shinigami de vouloir la mort d'une enfant. Et j'ai pas envie de me battre. Pourquoi on attendrait pas simplement que tout ça se passe en faisant vaguement semblant de se donner des coups de sabre ?
-C'est un luxe que je ne peux pas t'accorder, arrancar.’’
Le visage de Soi Fon s'orna d'un petit sourire alors qu'elle tirait de moitié son zanpakutô hors du fourreau accroché à l'horizontale dans son dos.
‘’Si tu ne veux pas te battre alors...’’
La jeune femme marqua une légère pause en toisant l'espada. Leurs regards s'affrontèrent l'espace d'une seconde qui dura une éternité.
‘’… Assure-toi juste qu'il ne lui arrive rien.’’
En un instant Soi Fon sembla disparaître dans un coup de vent. Aussitôt Starrk dégaina à une vitesse hallucinante tout en se plaçant d'instinct devant Lilynette. Son sabre vint parer celui de la capitaine dans un tintement métallique alors que leurs visages se faisaient face à quelques centimètres d'intervalle.

Ce premier coup sonna le début des combats. Au même instant, shinigami et arrancar se mirent en mouvement, les uns se dirigeant vers les piliers qui entouraient la ville et les autres venant défendre ces mêmes piliers. Soi Fon jeta un rapide coup d'œil autour d'elle pour vérifier où en étaient ses alliés. Hitsugaya et Matsumoto étaient encerclés par les trois fraccion de la femme espada, celle-ci surplombant la scène sans sembler appréhender la suite des évènements. Kyôraku et Ukitake faisaient face aux deux derniers fraccion du vieil espada, ce dernier les toisant depuis le trône sur lequel il était toujours assis.
La voix de Yamamoto retentit avec toute la force que pouvait receler le Commandant.
‘’Attaquez !’’
Son regard glissa sur son supérieur, désormais esseulé, alors qu'elle et son adversaire s'éloignaient l'un de l'autre.
‘’Donnez tout ce que vous avez et écrasez-les là où ils se trouvent ! Même s'ils vous arrachent la chair des os, faites de chaque fragment de ses os un mur d'acier !’’
Le vieux avait le sens de la métaphore, songea Starrk en profitant de ce court laps de temps pour étudier la posture de la capitaine.
‘’On ne doit pas les laisser poser un seul pied à la Soul Society’’, conclut le Commandant avec toute la détermination dont il pouvait faire preuve.

‘’Comment, Oomaeda, ce sont tes dents que j'entends claquer ?’’
Le vice-capitaine sursauta en reportant son attention sur sa supérieure.
‘’Pour une fois que tu te bats... Je peux à peine supporter de voir quelque chose d'aussi pathétique. Tu devrais profiter de la chance qui t'es offerte pour mourir malencontreusement.
-HEIN ?!’’
Oomaeda se raidit devant l'affront et reprit un peu de contenance.
‘’Qu'est-ce que vous racontez, capitaine ? Mes dents ne claquent pas ! Et croyez-moi, je ne mourrai pas !!!’’
Soi Fon détourna le regard pour se concentrer à nouveau sur son adversaire.
‘’Bien. Dans ce cas, si tu es si déterminé à éviter la mort... Fais bien attention à ce que ça n'arrive pas.’’
Marechiyo resta sans voix une seconde de trop, mais finalement reprit courage devant l'encouragement masqué de sa capitaine.
‘’Vous n'avez pas besoin de me le dire’’, conclut-il en brandissant son sabre et en se mettant en garde.
De son côté, Starrk fixait avec méfiance la jeune femme. Si la force de sa frappe n'avait pas été stupéfiante, sa vitesse en revanche pouvait se révéler dangereuse.
‘’Lilynette, écarte-toi.
-Quoi ?! Starrk, je peux...
-Écarte-toi, maintenant.’’
La petite fille se tut face au ton sec de l'homme, et le regarda un instant, attristée d'être ainsi mise à l'écart. Puis, sans ajouter un mot de plus, elle partit en sonido se poster sur un immeuble en contrebas. Soi Fon la suivit nonchalamment du regard.
‘’Assure-toi qu'elle n'interfère pas, lança-t-elle à son subordonné de son habituel ton autoritaire.
-Euh... Capitaine, vous voulez que je la... Enfin que je...’’
La jeune femme se tourna quelque peu vers l'homme derrière elle sans changer d'expression.
‘’Nous ignorons encore les effets de nos pouvoirs sur les arrancar crées par l'Hôgyoku. Il est possible que les tuer ne purifie pas leur âme comme avec les hollow classiques.
-Et alors, euh...
-Tant que tu n'es forcé à rien, ne fais rien.
-Bien capitaine.’’
Oomaeda disparut à son tour en shunpô, laissant les deux adversaires se faire face en plein ciel.
‘’Vous êtes plus sensible que vous n'avez bien voulu me le faire croire, en fait, pas vrai ?’’
Soi Fon ne répondit pas, occupée à toiser son ennemi en cherchant le piège dans cette garde totalement inexistante. L'homme ferma les yeux en se massant la nuque de la main libre, comme si parler l'ennuyait profondément.
‘’Vous vous êtes arrangée pour que je l'éloigne en me faisant croire que vous lui auriez fait du mal, alors qu'en fait je suis sûr que pas du tout. C'était...
-Hadô 32, Ôkasen !’’
Trop rapide pour esquiver. En entendant ces mots Starrk brandit d'instinct son épée tout en concentrant son reiatsu, et d'un geste fendit l'éclair qui venait de s’abattre sur lui. L'intensité de sa pression spirituelle lui évita de subir la moindre blessure, mais le flash le laissa aveuglé durant un trop long instant. Ce ne fut qu'au dernier moment qu'il sentit l'infime mouvement derrière lui. A une vitesse hallucinante il para de son arme une lame bien trop proche à son goût de sa gorge. Derrière lui, à son oreille, la voix de la jeune femme lui susurra:
''Bons réflexes, espada.''
Avant qu'elle n'enchaîne, implacable, sur un second assaut.

Plus bas, Lilynette, debout sur le sommet d'un immeuble, les mains sur les hanches, assistait d'un air ennuyé à la confrontation des deux belligérants. A l'autre bout du toit, Oomaeda la surveillait sans mot dire. D'un coup, la petite fille se tourna vers lui, agacée de se sentir observée, et demanda froidement:
‘’Tu ne vas pas aller aider ta patronne ?
-Ma patronne, elle m'a demandé de jouer la baby-sitter, alors c'est ce que je fais.
-Tu devrais pas plutôt t'inquiéter pour elle ? Je veux dire, Starrk est fort, cette fille va se faire massacrer.’’
Oomaeda serra les dents malgré lui devant l'insulte.
‘’Ma capitaine est forte aussi, rétorqua-t-il d'un air buté. Elle a pas besoin qu'on s'inquiète pour elle.
-Si tu le dis.’’
La fillette reporta son attention sur le combat qui se déroulait au-dessus d'eux, mais Marechiyo ne pouvait empêcher des questions de lui venir en tête à présent.
‘’Et toi, tu fais quoi ?
-Hein ? Ben je les regarde, tu vois bien...
-Je veux dire, qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais pas être en train de jouer avec un hollow-chien-chien quelque part plutôt que participer à une guerre ? Et d'ailleurs, comment une gamine de ton âge peut devenir un hollow ? T'es qui en fait ?’’
La gamine en question ne répondit pas immédiatement, figée sur place, une expression profondément énervée se peignant peu à peu sur son visage.
‘’Jouer avec un hollow-chien-chien... C'est ça, hein ? OK...’’
Elle se retourna complètement pour faire face à son interlocuteur, ses poings serrés tremblant de rage.
‘’Tu veux te battre contre moi, peut-être ?
-Hein ?! Qu'est-ce que tu veux dire ?!
-Te battre, débile ! Des coups d'épées, des cero, du kidô, bordel, tout ça ! Tu sais ce que c'est ?!
-Qui tu traites de débile, morveuse ?! Je sais me battre, qu'est-ce que tu crois !
-Ah ouais ?!’’
Une lueur émana soudain de la corne coupée sur le côté gauche du casque de Lilynette. Elle y porta aussitôt sa main et, d'un geste vif, en tira une sorte de grand cimeterre recourbé, à la lame particulièrement large.
‘’Alors prouve-le !’’

Loin au-dessus d'eux, la bataille faisait rage à une vitesse défiant l'imagination. Starrk remerciait le ciel que son adversaire soit si petite. Les attaques de la jeune femme manquaient de poids et de puissance brute, mais elle déployait des trésors d'agilité et de science du combat, son sabre toujours en main, et ses figures acrobatiques ne lui laissaient aucune chance de prévoir ses coups, qu'il paraît au dernier moment, devant sans cesse rester en mouvement pour garder un temps d'avance. Cependant, aucune des attaques de la jeune femme ne faisait mouche, toutes étaient parées d'un geste vif et sûr par l'espada. Depuis qu’elle était capitaine, ce n’était que la seconde fois que Soi Fon affrontait un adversaire d’une telle vitesse. Elle estimait que cet arrancar était à peu près aussi rapide que Yoruichi-sama lors de leur affrontement. Ce qui lui laissait tout de même une légère marge.
‘‘Bakudô 30 : Shitotsu Sansen.’’
Alors que Soi Fon se fendait en arrière, trois grands becs de lumière jaillirent de nulle part et fusèrent vers Starrk pour immobiliser ses bras et sa taille. Celui-ci, devinant la manœuvre, poussa à la fois son reiatsu et sa vitesse au maximum pour ne pas se laisser ralentir et, tout en se délivrant de ses entraves, para la lame de la capitaine surgie de son point mort. Rassemblant son énergie dans son bras et son épée, il la repoussa en arrière d’un geste et s’éloigna lui-même en sonido.
‘‘Vous n’êtes pas à l’aise, pas vrai ?’’
Soi Fon, surprise de cette remarque nonchalante, se stabilisa dans les airs et toisa son adversaire.
‘‘Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Ca se voit. Votre spécialité est le combat au corps à corps. Manier une épée ne fait que vous gêner. Seulement, vous vous sentez obligée de garder votre zanpakutô en forme scellée parce qu’affronter quasiment à mains nues un adversaire muni d’une épée reste dangereux, s’il est, comme moi, aussi rapide que vous. En plus, votre panoplie de mouvements se retrouve limitée, puisque vous n’osez pas me frapper avec vos poings ou vos pieds de peur de vous briser les os sur mon hierro.’’
Soi Fon garda le silence sans changer d’expression. Il avait analysé ses mouvements et son style de combat avec une acuité que d’autres capitaines lui auraient envié, et il ne disposait pourtant vraisemblablement pas d’un entraînement militaire comparable au leur. De plus, il semblait savoir que son shikai était adapté au corps à corps, et connaissait donc sans doute son pouvoir, ainsi, de manière générale, que ses forces et ses faiblesses, même si, à priori, il ignorait tout de son bankai et de ses techniques secrètes. Aizen avait de toute évidence fait à ses troupes un descriptif des leaders du Gotei 13. Encore une fois, cet arrancar s’imposait comme l’un des adversaires les plus sérieux qu’elle ait jamais affronté, et il n’avait encore rien montré. Elle n’avait cependant pas la moindre intention de le reconnaître devant lui.
‘‘Tu es en train d’insinuer, Espada, que je suis actuellement en difficulté contre toi ?’’
Starrk porta une fois de plus la main dans ses cheveux en détournant le regard, geste visiblement familier chez lui.
‘‘En difficulté, vu qu’aucun de nous deux n’a pour le moment dévoilé le moindre pouvoir, le mot me semble fort, non ? Mais vous devriez vous mettre plus à l’aise…’’
Soi Fon laissa de manière soigneusement calculée un sourire narquois s’afficher sur son visage.
‘‘Un arrancar qui se permet de me donner des leçons… On croit rêver…’’
Starrk ouvrit la bouche pour répondre, et la capitaine en profita aussitôt pour disparaître. Son shunpô fut si rapide qu’une image rémanente sembla s‘élancer à sa suite. Malgré sa surprise, Starrk n’eut pour autant aucun mal à bloquer la lame de la jeune femme et à la repousser. Il para un, deux, trois coups, puis, profitant d’une ouverture, frappa à la volée.
Sans qu'il comprenne comment, elle se retrouva soudainement sur une main, la tête en bas, tournant sur elle-même. L'une de ses jambes vint à la rencontre de son poignet, stoppant son coup d'épée. Dans la foulée, l'autre frappa son coude, détournant son bras et le déséquilibrant. Aussitôt, le zanpakutô de la capitaine fila à une allure vertigineuse vers ses côtes. Il esquiva d'un sonido en arrière, mais le temps d'accomplir ce geste, elle était à nouveau sur lui, bien à l'endroit comme à l'habitude. Il lança un coup d'épée à l'aveuglette pour la maintenir à distance.
‘’Suzumebachi !’’
Sentant une ouverture dans la garde de son adversaire, Soi Fon avait paré de son arme, mais dans la foulée l'avait libérée. Sa lame se raccourcit soudainement, faisant disparaître toute résistance face à celle de Starrk qui, emporté par son élan, avança d'un pas de trop. La capitaine en profita aussitôt pour lui saisir le bras de sa main libre, immobilisant et déséquilibrant son adversaire. Dans le même mouvement, le dard sur son majeur fusa vers le visage de celui-ci.
Starrk vit arriver la courte lame jaune droit vers son œil, à une vitesse folle. Trop rapide pour esquiver ou parer.
Et son cero explosa, balayant le ciel et rasant le haut de plusieurs immeubles. A une vingtaine de mètres, Soi Fon réapparut dans un shunpô, roulant sur elle-même, avant de se stabiliser tant bien que mal dans les airs. Elle avait les yeux écarquillés malgré elle et le bas de son haori était brûlé.
La capitaine revit mentalement le moment de l’action. Elle avait vraiment cru l’avoir, son dard n’était plus qu’à quelques centimètres de l’œil de son adversaire, lorsqu’elle avait remarqué les étincelles lumineuses apparues devant le torse de l’arrancar. Comprenant presque par miracle, elle s’était jeté sur le côté en urgence, rompant son assaut, et le cero avait fusé de nulle part, presque sans préparation, et sans qu’il ait fait le moindre geste, avec une puissance qu’elle avait rarement vue. Elle venait de frôler la catastrophe et de perdre une occasion en or de conclure le combat, alors que son adversaire n’avait encore toujours rien dévoilé de ses pouvoirs.
De son côté, Starrk semblait toujours aussi flegmatique.
‘‘Vous l’avez évité ? Impressionnant, vous méritez vraiment votre réputation de capitaine la plus rapide, pas vrai ?’’
Soi Fon s'apprêtait à répondre tout en cherchant du regard une ouverture dans la garde de l'ennemi, lorsque d'un coup, une intense pression spirituelle se fit sentir.

Presque malgré elle, tout en prenant garde que l'arrancar n'en profiterait pas, elle se tourna vers l'origine de ce déferlement de puissance. Le Commandant Yamamoto était passé à l'action, et, pour une raison qu'elle ignorait, avait libéré son shikai. Des étincelles se dispersaient encore dans l'air. Elle n'avait pas vu quelle avait été la victime. En revanche, elle constata que de manière générale, les vice-capitaines ne semblaient pas en très bon état. Son regard s'arrêta un instant sur Momo Hinamori, qui n'était pas venue avec eux et qui avait apparemment était blessée. Moins que Rangiku Matsumoto visiblement, qui, elle, semblait au bord de la mort. Izuru Kira s'occupait d'elle, si elle voyait bien. Soudain, les trois fraccion de la femme espada -qui avaient apparemment libéré leurs résurrections- se jetèrent sur le Commandant, prêtes semblait-il à lutter jusqu'au bout. Un simple coup d'épée déclencha une véritable explosion de flammes qui engloutit les trois jeunes femmes en une seconde. La pression spirituelle infernale se fit à nouveau sentir, l'espace d'un instant seulement, mais la sensation était déjà incroyable.
‘’C'est Apacci, Mila Rose et Sung-Sun qui y sont passées ? Harribel va être furieuse.’’
Elle reporta son attention sur son adversaire, qui venait de parler. Celui-ci, apparemment sans méfiance, surveillait calmement les évènements plus loin. Elle aurait pu l'attaquer, mais la brusque et impressionnante augmentation du reiatsu de la femme espada l'en dissuada. Celle-ci avait apparemment libéré une attaque d'énergie, ainsi que son visage jusqu'à présent masqué par son col. Soi Fon était trop loin pour voir à quoi ressemblait son masque, mais elle eut rapidement autre chose à penser. L’arrancar se jeta avec une rapidité et une puissance hors du commun sur Hitsugaya, prenant celui-ci de court. Le jeune capitaine eut juste le temps de libérer son bankai, pour faire face à la puissance nouvelle qui s'opposait à lui. Sage décision, selon Soi Fon, sans laquelle il n'aurait peut-être même pas survécu.

‘’Pfff, Harribel est devenue sérieuse, je sens que ça va être mon tour.’’
Starrk souffla avec une expression franchement ennuyée devant cette perspective rébarbative.
‘’Franchement, j'y crois pas que je vais être le premier à lâcher ma résurrection.
-Quoi ?’’
Soi Fon écarquilla les yeux, ne s'attendant pas à affronter si tôt l'espada à pleine puissance. Celui-ci leva la main gauche à hauteur de son visage et, de son autre main, retira le gant qui la recouvrait, dévoilant le chiffre ‘‘un’’ gravé à l'encre noir sur sa peau.
‘’Primera Espada, Coyote Starrk’’ Annonça-t-il calmement.
Soi Fon se contenta de le toiser sans montrer de réaction visible. Elle se retrouvait donc à affronter le plus puissant des trois. Notion qui était bien sûr à relativiser, mais qui avait sa valeur. Elle n'aurait su dire ce qu'elle en ressentait exactement, appréhension ou excitation. Mais toujours fut-il qu'un sourire s'afficha sur son visage, ce que le primera releva aussitôt.
‘’Vous semblez amusée ?
-Soulagée plutôt.
-Pourquoi cela ?
-Parce que si tu es vraiment le plus fort, alors je pense qu'Hitsugaya, Kyôraku et Ukitake n'ont pas de soucis à se faire.’’
Starrk resta muet face à la provocation, avant de lâcher un soupir.
‘’Savez-vous pourquoi nous, les arrancar issus de l'Hôgyoku, nous n'utilisons en général notre résurrection qu'en dernier recours ?’’
Soi Fon ne répondit pas, curieuse cependant d'entendre cette explication.
''Parce qu'à l'inverse des arrancar naturels, libérer notre résurrection soigne toutes nos blessures. Il est donc plus pertinent de garder cet atout en réserve jusqu'au dernier moment, pour que l'adversaire ait dévoilé ses meilleures cartes et soit en plus épuisé, alors que nous nous retrouvons aussi en forme qu'au début du combat mais plus puissant encore. Jusque-là vous êtes d'accord ?''
Une fois de plus la jeune femme ne répondit pas, mais Starrk ne sembla pas s'en émouvoir.
''Mais à présent que vous avez libéré votre shikai, les choses changent.
-Pourquoi ça ?
-Vous êtes la capitaine de la seconde division, Soi Fon, qui possède le pouvoir de tuer en deux coups. Autrement dit, face à vous, se priver d'une part de sa puissance pour guérir ses blessures n'a aucun sens.''
La jeune femme serra les dents face au raisonnement implacable, et se positionna en posture d'attaque, prête à passer immédiatement à l'offensive pour empêcher son adversaire de se libérer.
‘’Lilynette !’’
Sous le coup de la surprise, la capitaine resta figée sur place, les genoux pliés et le bras prêt à frapper. L'espada ne lui accordait aucune attention et regardait vers le bas, là où sa fraccion s'était postée quelques minutes auparavant. Elle suivit son regard et découvrit la fillette braillant de toutes ses forces, ligotée par la chaîne de Gegetsuburi, le zanpakutô d'Oomaeda. Celui-ci se tenait derrière elle et semblait très fier de lui. Son sourire disparut subitement lorsque l'arrancar apparut en sonido quelques mètres à peine devant lui, juste au-dessus du niveau de l'immeuble où il se tenait, le toisant de son regard d'acier. Dans la seconde suivante Soi Fon s'interposa d'un shunpô entre l'espada et son vice-capitaine.
‘’Libère-la, première chance.
-Euh...
-Ne bouge pas, Oomaeda, ordonna la capitaine d'une voix neutre.
-Seconde et dernière chance: libère-la sur le champ.
-Ne bouge pas !’’
Starrk ne fit aucun geste, l'expression de son visage ne changea pas. Mais un cero surgi de nulle part fusa d'un coup, sans préparation, devant le torse de l'arrancar, visant le vice-capitaine qui n'avait strictement rien vu venir.

Heureusement pour lui, Soi Fon, ayant prévu l'attaque, avait su réagir à une vitesse fulgurante durant le très léger laps de temps séparant l'apparition de la première boule d'énergie et la projection du cero lui-même. Au tout dernier moment, elle parvint à se précipiter sur son subordonné et à le plaquer de force au sol. Le faisceau d'énergie fusa au-dessus de leurs têtes, rasant leurs crânes, détruisant le toit derrière eux.
Lilynette en profita aussitôt pour filer. En se contorsionnant et en laissant exploser son reiatsu, elle parvint à se libérer de la chaîne qui la retenait et à se précipiter vers Starrk en sonido. Marechiyo se releva et s'apprêta à la suivre, mais Soi Fon l'arrêta d'un geste.
‘’Éloigne-toi, Oomaeda. Ce n'est plus un combat de ton niveau.’’
Le vice-capitaine hésita quelques instants, inquiet de laisser sa supérieure seule sans avoir rien de précis à faire. Il finit tout de même par obéir, et disparut en shunpô. Quoi qu'il en soit, il resterait tout de même suffisamment près pour pouvoir intervenir si elle avait besoin de lui.
De son côté, Soi Fon fixait avec méfiance les deux arrancar au-dessus d'elle, immobiles en plein ciel. A son grand étonnement, l'homme avait rengainé son épée, et posé la main sur le casque de la fillette.
‘’Pourquoi avoir fait venir la gamine ? Demanda la jeune femme en redoutant de deviner la réponse.
-Elle et moi ne formons qu'un. Avant qu'Aizen-sama nous trouve et rende notre transformation parfaite grâce à l'Hôgyoku, nous avons arraché notre masque nous-même. Mais là où les autres divisent leurs pouvoirs entre leur corps et leur épée, voilà ce que nous sommes devenus.
-Et j'imagine que...
-Oui. Notre puissance réelle apparaît lorsque nous nous réunissons.’’
Sans plus attendre, Starrk resserra légèrement sa prise sur le casque de la fillette. Celle-ci ferma les yeux, visiblement effrayée. Ses traits se brouillèrent, et elle disparut en un instant, comme absorbée par le corps de son partenaire. Et à cet instant, Soi Fon le trouva pour la première fois antipathique, et plus effrayant que lorsqu’il étalait une puissance prodigieuse quelques minutes auparavant. Elle voulut en profiter pour attaquer, mais l'espada avait déjà repris la parole:
‘’Dépèce, Los Lobos.’’
Dans une immense explosion d'énergie spirituelle, une colonne de fumée blanche apparut soudainement à l'endroit où se tenait l'homme, alors qu'un vent violent faisait voler les cheveux et le haori de la jeune femme. L'intensité du reiatsu déployé l'empêchait de tenter une offensive maintenant, elle en était réduite à attendre de voir à quoi ressemblerait la résurrection de son adversaire.
Lentement, le vent se calma alors que la vapeur se dispersait, laissant apercevoir la forme libérée de l'arrancar. Celui-ci se tenait accroupi, le visage baissé. Le brouillard disparut complètement et il se releva calmement. Son visage étai encore tourné vers le sol lorsqu'une ombre passa sous ses yeux.
Il s'éloigna d'un sonido, évitant de justesse le dard doré de la shinigami, et se posta à quelques mètres d'écart, dans une posture désormais droite.
‘’Vous ne perdez pas une occasion de profiter d'un relâchement dans la garde de l'adversaire, capitaine de la seconde division.’’
Soi Fon ne répondit pas et se contenta de le détailler du regard. Il portait désormais une veste blanche serrée et un pantalon noir, ornés de fourrure grise sur le col, les avant-bras et les mollets. Deux sortes de lanières sombres pendaient dans son dos, accrochées à ses coudes et ses épaules. Son œil gauche était caché par une sorte de bandeau rigide arborant un motif de flammes écarlates, rappelant le casque de la fillette auparavant. Enfin, il portait dans chaque main un pistolet noir à canon long.
Soudainement, une voix criarde se fit entendre, surprenant la capitaine.
‘’Attaquer pendant qu'il a la tête baissée, t'aurais pu lui laisser une seconde, salope !’’
C'était la voix de la gamine, mais d'où venait-elle ? Soi Fon jeta des regards méfiants autour d'elle, ne comprenant pas. Cependant, l'origine de la voix ne semblait pas être un mystère pour le primera qui se contenta simplement de porter le pistolet qu'il tenait de la main gauche au niveau de son visage.
‘’Lilynette, c'est un assassin, c'est son style de combat...
-Mais je m'en fous, on a attendu que son gros lard ne soit barré nous !’’
C'était le pistolet qui parlait... Soi Fon écarta les questions mentales superflues comme ‘’où se situent ses cordes vocales ?’’ et se concentra à nouveau sur la bataille. Ce qui ne semblait pas être le cas de son -ou ses ?- adversaires.
‘’Me parle pas comme ça morveuse !
-Ta gueule, barbu, je te parle comme... AH ! C'est mon cul ! C'est mon cul ! Starrk, c'est mon cul ça, enfoir...
-Bakudô 21: Sekienton.’’
Le duo d'arrancar se tut et amorça un mouvement de recul face à l'épais nuage de fumée rouge qui envahit soudain toute la zone de combat. En moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour le dire, Starrk ne voyait plus rien à un mètre de distance. Il se mit aussitôt en position de garde, scrutant l'atmosphère alentour en attendant l'attaque qui ne pouvait qu'arriver. Effectivement, il sentit un mouvement tout près de lui et s'éloigna aussitôt en sonido, évitant de justesse le dard effilé qui fendit l'air là se trouvait sa nuque la seconde précédente. Il se retourna aussitôt, pointa l'un de ses pistolets là où aurait dû se trouver son assaillante, et prononça les mots:
‘’Cero Metralleta.’’
Une quinzaine de faisceaux d'énergie écarlate jaillit tout à coup de l'extrémité de l'arme, noyant l'atmosphère dans une lumière brûlante, mais elle ne se trouvait plus là. L'attaque suivante de la capitaine venait déjà, et il préféra éviter un affrontement à l'aveugle dans lequel un assassin expérimenté ne pourrait que prendre l'avantage. Il tira une nouvelle salve de rafales, mais sentit bien qu'il n'avait pas atteint sa cible. Un seul pas de sonido vers le ciel le propulsa au-dessus du nuage.
Ne perdant pas de temps, il tendit les bras et tira simultanément deux bala. Les ondes de choc jaillirent de ses mains, s'étendant sur une envergure immense, dispersant la fumée. Il chercha aussitôt des yeux la shinigami, prêt à frapper, mais il n'y avait strictement personne. Le ciel était désert autour de lui.
Au tout dernier moment, une infime sensation l'alerta d'extrême justesse. N'écoutant que son instinct, il se baissa à une vitesse fulgurante et sentit nettement le déplacement d'air dû à l'attaque invisible qui venait de rater de peu sa tête. Dans la foulée, Starrk tendit un bras vers l'origine de l'attaque. Trois de ses doigts se refermèrent sur le vide, et il tira la main en arrière, emportant avec lui le paysage comme s'il ne s'était agi que d'un simple drap.
Tout sembla se jouer au ralenti. Suivant son mouvement, quelque chose apparut de nulle part, comme si Starrk avait écarté une illusion masquant la présence de Soi Fon. Celle-ci écarquilla les yeux, coupée court dans son élan, ne comprenant pas que l'espada ait pu percer sa couverture. Leurs regards se croisèrent durant une fraction de seconde, avant que l'un des pistolets ne vienne se pointer droit entre ses deux yeux, à quelques centimètres de son visage. Une lueur de terreur passa dans les yeux de la capitaine, et Starrk tira.

Vingt cero fusèrent en même temps à l'endroit précis où se trouvait la shinigami l'instant précédent. Par un réflexe presque miraculeux, la jeune femme avait réussi à rouler sur le côté, évitant de peu l'attaque, mortelle à cette distance. Un shunpô, un sonido, les deux rivaux s'éloignèrent l'un de l'autre et se stabilisèrent face à face, à plusieurs mètres de distance, se laissant le temps de souffler. Soi Fon connaissait à présent le pouvoir de la résurrection de son adversaire, ou du moins l'une de ses facettes. En contrepartie, elle avait dévoilé l’une de ses meilleures tactiques, qui avait échoué. Le bakudô 26, Kyokko, permettait à la fois de se rendre invisible et de dissimuler son énergie spirituelle. Elle s’était attendue à ce que l’arrancar détecte sa présence au moment où elle frapperait, à cause du reiatsu dépensé ; mais le fait était qu’il l’avait sentie arriver une seconde avant.
‘‘Qu’est-ce que c’était que ça ? Demanda le primera, les sourcils froncés. Du kidô ?’’
Soi Fon jugea plus productif de répondre par une autre question.
‘’Comment m’as-tu découverte ?
-Vous avez failli m'avoir. Mais les arrancar qui ont été crées, ou comme moi améliorés, par l’Hôgyoku, peuvent temporairement affiner leur perception spirituelle. Et la mienne est particulièrement affutée. Personne ne peut se glisser à travers mon pesquis.
-Ta gueule, Starrk, arrête de donner des informations à l’ennemi !’’
La voix de Lilynette laissa le silence s’installer. La capitaine comme l’Espada se turent. Chacun soutint le regard de l’autre, l’un calculateur, l’autre désabusé. Puis Starrk reprit la parole, plus doucement.
‘‘Vous êtes forte.’’
Il n’ajouta rien de plus. Etrange, comme remarque, songea Soi Fon. Fort, il l’était bien plus qu’elle. Mais il semblait aussi avoir des failles. Comme elle.
‘‘Les autres capitaines, poursuivit l’arrancar avec un vague signe de tête, ils sont tous aussi forts que vous ?’’
Son ton était mélancolique. Encore une question étrange.
‘‘Est-ce qu’ils seraient capitaines si ce n’était pas le cas ?’’ Lâcha-t-elle en guise de réponse.
L’espada garda le regard baissé. Il semblait réfléchir pour lui-même.
Autant de gens de ce niveau rassemblés au même endroit…
Des gens qui ne portent pas de numéro, répondit la voix de Lilynette, quelque part dans son esprit.
Il releva la tête vers la jeune femme.
‘‘Vous savez, à choisir, j’aurais préféré faire équipe avec des gens comme vous plutôt que comme lui, dit-il avec un signe de tête vers le brasier dans lequel les trois renégats étaient toujours enfermés. Enfin… Vous devez savoir ce que c’est, vous…
-De quoi tu parles ?’’
Soi Fon avait craché cette question plus qu’elle ne l’aurait voulu. Son adversaire la fixa droit dans les yeux, et elle eut presque du mal à soutenir son regard.
‘‘La solitude.’’
La réponse de l’arrancar fut suivie d’un silence. Soi Fon ignorait si son regard était éloquent ou pas. Il n’y avait rien à ajouter.
Sans plus attendre, Soi Fon s’élança, et Starrk pointa ses armes sur elle et tira à nouveau. La jeune femme s'esquiva d'un shunpô, évitant la salve de rayons d'énergie, mais le primera ne comptait cette fois pas s'arrêter là. Suivant le déplacement de l'ennemi, il continua à tirer, projetant les unes après les autres de nouvelles dizaines de cero presque simultanés. Avec sa résurrection, il devenait au moins aussi rapide qu’elle. Sûrement plus. Soi Fon continua à courir, précédant de peu les rafales. Un habile shunpô de côté la rapprocha de son adversaire, mais celui-ci se contenta de se tourner face à elle et de tirer à nouveau, l'obligeant à s'éloigner. La capitaine bondit vers l'avant, sembla prendre appui des deux pieds sur l'air, et se propulsa en arrière dans un immense salto qui lui permit d'éviter les cero et de passer au-dessus de son adversaire. Elle se rétablit, et s'apprêta à repartir à l'attaque, mais l'espada avait disparu.
Il se retrouva soudain sur sa gauche, non loin. Une nouvelle rafale de cero fusa, une lueur de surprise passa dans le regard de la shinigami, avant qu'elle ne soit engloutie par l'attaque.
Le primera relâcha la tension dans son corps, repliant son bras avec nonchalance. Elle venait de recevoir une douzaine de cero presque simultanés, et il doutait sérieusement qu'elle puisse se relever après ça.

Tout se passa alors très vite. A un moment Starrk voyait le corps carbonisé de son adversaire flottant encore dans l'air ; la seconde suivante, il n'y avait plus que le fourreau vide d'un sabre et les restes d'un haori et d'un shihakusho brûlés qui s'éparpillaient dans l'atmosphère. Puis la silhouette floue de son ennemie surgit soudain face à lui de nulle part. Le dard fusa, Starrk s'écarta dans un réflexe fulgurant, une vive douleur déchira son esprit, le sang gicla. Soi Fon, qui était subitement apparue juste sous son nez, était passée sur sa droite en frappant et, emportée par son élan, se trouvait à présent derrière lui. Elle amorça aussitôt sa volte-face, le dard sur son majeur jaillit à nouveau. Dans le même temps, les pistolets que tenait Starrk disparurent soudainement, se dispersant dans l'atmosphère. Deux trainées d'énergie émanèrent des lanières noires fixées aux bras de l'espada, prirent la forme de deux épées lumineuses dans ses mains, et il frappa à la volée, fendant l'air en y laissant une trace brûlante. La jeune femme esquiva l'attaque en se penchant en arrière, rompant son offensive, et Starrk en profita pour s'éloigner en sonido et s'immobiliser plus loin dans les airs. Alors seulement il prit le temps d'examiner sa blessure.
Elle avait failli l'égorger. Une profonde entaille horizontale fendait le côté droit de son cou. Le sang coulait en abondance, mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus. Il ne pouvait pas le voir, mais sa blessure devait probablement être ornée de l'Homonka à présent, le tatouage en forme de papillon. Un coup de plus dessus, et c'était la mort. Il se redressa en fixant durement son adversaire. Elle n'avait plus son haori, et portait à présent un haut de shihakusho relativement moulant, sans manche. Il s'adressa à elle d'un ton sec:
‘’Qu'est-ce que c'était que ça, encore ?!
-Une technique secrète de Hohô (art de déplacement des shinigami), la troisième du Shihô, Utsusemi.
-Une technique secrète ?
-Nous ne sommes que trois personnes à la maîtriser. Je l'ai apprise d'un être cher, je suis satisfaite que ce soit elle qui ait fonctionné.
-Vous devriez plutôt être inquiète d'avoir dévoilé l'un de vos plus précieux atouts. Que ce soit clair, cette technique ne marchera plus sur moi. Elle est pourtant votre meilleure chance de me toucher à nouveau.
-C'est à voir. Il y a un instant, tu m'affirmais que personne ne se glissait à travers ton pesquis...’’
Starrk serra les dents malgré lui face au sourire ironique de son adversaire. Les épées lumineuses qu'il tenait dans ses mains disparurent.
Pourquoi est-ce qu’il faut qu’on s’affronte ?
Tu as voulu être le numéro un. Contente-toi d’assumer.
‘’Le problème pour vous, maintenant, c'est que je ne peux plus me permettre de prendre le moindre risque. C'est terminé, capitaine. Los Lobos.’’
A nouveau, de l’énergie émana des lanières noires sur ses bras. Beaucoup d’énergie. Sous les yeux écarquillés de Soi Fon, elle se dispersa tout autour de l’arrancar, prenant la forme d’au moins une quarantaine de loups incandescents, grognant et découvrant les crocs.

Le temps sembla se figer pour la capitaine. Durant quelques trop longues secondes, elle contempla, impuissante, la meute grondante qui s’avançait aux côtés du primera. Celui-ci toisait son adversaire comme si le duel était fini. Il y eut encore une seconde de flottement. Puis il ordonna à voix basse :
‘‘Allez, Starrk…’’
Aussitôt les loups bondirent vers l’avant et fondirent sur la shinigami dans un assaut sauvage. Celle-ci serra les dents et disparut d’un shunpô pour se mettre à l’écart. Sans même ralentir les prédateurs la suivirent, se dispersant pour tenter de l’encercler. Commença alors pour Soi Fon un jeu de chat très désagréable. Peu importait où elle tentait d’aller, les grognements des bêtes la suivaient toujours de près ou lui barraient le chemin. Ils l’obligeaient à s’éloigner de son adversaire, et à ne se concentrer que sur sa survie. Elle faillit être cernée par les prédateurs et dut plonger en avant, zigzaguant parmi eux, pour leur échapper. L’arrière-garde passa aussitôt à l’action, prenant le relais, tentant de la déchiqueter de leurs crocs brûlants. La mâchoire du premier manqua de se refermer sur elle et elle para de justesse l’assaut en le frappant de son dard. Un instant brouillés, les traits de l’animal se reformèrent presque aussitôt.
Ils étaient comme des flammes, réalisa la capitaine. Ils n’avaient pas de réelle matérialité. Elle devait atteindre l’arrancar, mais alors que le plus gros de la meute tentait de l’encercler, quelques loups étaient restés autour de leur maître, pour prévenir tout assaut de sa part. Il pensait à tout. Elle n’avait pas le choix.
La shinigami bondit à la verticale, entraînant à sa suite ses poursuivants, et se retourna soudain dans les airs pour leur faire face.
‘‘Bakudô 62 : Hyappo Rankan !’’
Une sorte de javelot brillant bleuté apparut soudainement entre ses mains. Elle visa rapidement et, d’un geste sûr et rapide, le lança droit sur le loup le plus proche. Au dernier moment, une vingtaine d’autres projectiles identiques apparurent dans son sillage, criblant la meute menaçante de pieux lumineux qui les clouèrent sur place.
‘‘Shunkô !’’
Une sorte de tourbillon de vapeur blanche lumineuse éclata sur son dos et ses épaules. Sans perdre une seconde, la capitaine poussa sa rapidité à son maximum et s’élança vers son adversaire.
Starrk ne se contenta pas d’attendre l’attaque. Avant que la jeune femme soit sur lui, il activa son pesquis. Et ce fut pourquoi il ne fut pas totalement pris au dépourvu lorsqu’une quinzaine de clones flous de son adversaire le chargea à une vitesse folle.
Il s’attendait à ce qu’elle se serve d’images rémanentes pour le piéger, comme elle l’avait déjà fait. Mais il n’aurait jamais pensé qu’elle pourrait en générer autant.
Lilynette, tu prends les commandes !
L’Espada bondit en arrière et porta son bras gauche à son cou, pour éviter qu’elle ne frappe à nouveau le tatouage qu’il arborait. Puis, surmontant son appréhension à cette idée folle, il ferma les yeux.

Starrk savait comment fonctionnaient les images rémanentes. S’il voyait la jeune femme, cela voulait dire qu’elle se trouvait ailleurs. Voir ne ferait que le distraire, en ne se fiant qu’au pesquis, lui et Lilynette auraient de meilleures chances. Et en laissant la fillette diriger la meute, il pourrait se concentrer sur ses propres mouvements.
Il ne vit donc pas l’expression d’effort et de détermination sur le visage des clones, l’énergie du Shunkô resserrée au plus près de leur corps comme une armure. Il ne vit pas les images de la capitaine le suivre dans ses déplacements et l’attaquer de toute part, balayant à chaque coup un ou plusieurs loups pour être à chaque fois stoppées par d’autres. Il ne vit pas les bêtes se reformer à chaque fois qu’elles étaient détruites, et retourner implacablement harceler la shinigami et l’empêcher de l’atteindre. Il ne vit pas le reste de sa meute se libérer du bakudô et plonger vers eux pour protéger leur maître. Il ne vit pas le dard mortel être stoppé à quelques centimètres de son corps par des crocs incandescents. Il ne vit pas les images disparaître et la capitaine être finalement submergée par la meute.
Et Soi Fon vit son ennemi s’éloigner d’elle en sonido, alors qu’une dizaine de mâchoires refermées sur ses membres l’empêchait de le suivre. Alors, pendant une seconde de flottement, elle se sentit soudain extrêmement lasse. Elle n’était pas une experte du kidô, et utiliser un sort de niveau soixante sans incantation avait brûlé une part non négligeable de sa réserve de reiatsu. Malgré cela, elle s’était donné à fond pour échapper à la meute enragée et élaborer sa dernière offensive. Et pourtant, ses meilleures tactiques avaient toutes échouées. Elle aurait voulu pouvoir souffler quelques instants, se reprendre. Mais elle savait qu’elle n’en aurait pas le temps.
Et alors qu’elle pensait se dégager simplement des crocs qui la retenaient prisonnière, elle sentit tout à coup l’énergie qui composait les loups devenir instable, et comprit ce qui allait se passer. Elle compacta le tourbillon du Shunkô encore plus près de son corps, serra les dents et attendit le choc.

La déflagration monta vers le ciel avec une force prodigieuse. Soi Fon ne resta debout que par la force de sa volonté. Lorsque l’énergie se dissipa, Starrk put la voir tituber, presque tomber en avant, l’œil hagard, mais elle reprit son équilibre. Elle n’avait pas été touchée par la déflagration elle-même, mais malgré sa protection l’onde de choc l’avait douloureusement ébranlée. La vue trouble, le souffle court, elle tendit désespérément le bras vers l’espada, espérant l’attaquer avant que les loups ne relancent l’assaut. Peine perdue.
C’est le prix à payer.
Starrk ne bougea pas, mais une nouvelle meute incandescente réapparut autour de lui.
Pour ne plus être seul, c’est le prix à payer.
Seul son regard se tinta d’une sorte de pitié, comme s’il avait voulu abréger les souffrances de son adversaire.
Je suis désolé.
Dans la même seconde, les loups repartirent tous simultanément à l’attaque.
Adieu, capitaine.
La seconde explosion fut aussi terrible que la précédente. Cette fois-ci, le Shunkô ne put stopper entièrement la puissance déchaînée par la technique du primera. Le corps désarticulé de la capitaine chuta à toute vitesse vers le sol, tel un météore, laissant derrière lui une trainée de fumée.

Soi Fon eut le souffle coupé lorsqu’elle atterrit durement sur le dos, s’encastrant en partie dans le bitume de la rue. Loin, très loin au-dessus d’elle, Starrk la contemplait avec mélancolie. Il parla plus pour lui-même que pour elle, elle ne pouvait d’ailleurs sûrement pas l’entendre.
‘‘Le combat est fini, capitaine de la seconde division, Soi Fon. Vous avez été un adversaire valeureux. Si vous êtes encore en vie, prenez soin de vos blessures et…
-Bankai.’’
L’immense faisceau d’énergie dorée explosa sans prévenir, coupant court au monologue du primera, montant jusqu’au ciel et dispersant les nuages. Starrk écarquilla les yeux de surprise et plongea son regard au sol, espérant distinguer la jeune femme malgré la lumière qui disparaissait peu à peu et la poussière qui continuait à tourbillonner violemment. Enfin il parvint à la voir.
Elle était toujours allongée sur le dos au sol, apparemment incapable de se relever. Mais quelque chose se dressait à la perpendiculaire de son corps. Starrk n’aurait pas pu lui donner un nom, mais il s’agissait d’une sorte de lance-missile, aux couleurs du frelon, fixé au bras droit de la capitaine, et pointé droit sur lui. Il ne put pas non plus entendre le nom que prononça la shinigami, son regard d’acier fixé sur lui.
‘‘Jakuhô Raikôben.’’
Puis, avec un bruit assourdissant de fin du monde, Soi Fon tira. Elle hurla de douleur en encaissant de plein fouet la puissance du recul ; le sol tout autour d’elle fut pulvérisé, son corps s’encastra encore plus dans le bitume, au centre du cratère crée par le choc en retour de la rafale.
Au même instant, l’immense projectile fendait l’air à une vitesse folle tout droit vers le primera. Il ne le toucha pas, car celui l’avait évité facilement. En revanche, il heurta de plein fouet la barrière invisible érigée autour de la ville, y compris au-dessus. Le choc suffit à déclencher l’infernale puissance cachée du missile. Une fraction de seconde avant que les flammes ne l’atteignent, Starrk entendit la voix de Lilynette, quelque part dans sa tête, affirmant qu’une attaque unique, même d’un bankai, ne pouvait pas suffire à le tuer à elle seule.
La déflagration fut si terrible que tous les combattants présents sur le champ de bataille de la fausse Karakura l’entendirent et en ressentirent l’intensité spirituelle. Le plafond de la barrière spirituelle qui protégeait la ville fut pulvérisé. La distance préserva les bâtiments, mais l’onde de choc brisa les vitres de tous les immeubles alentour et une pluie de verre se répandit sur la rue.
Emergeant de la fumée, une forme désarticulée chuta lourdement vers le sol. La moitié du corps de Starrk avait disparu. Le demi-visage qui lui restait était demeuré figé sur une expression de stupeur, un peu de peur aussi. Son cadavre carbonisé laissait dans son sillage une trainée de fumée noire. Quelque part sur un autre plan d’existence, la voix de Lilynette hurla :
Ne me laisse pas seule !
Mais la conscience de l’homme s’était déjà éteinte. Celle de la petite fille disparut également avant que l’arrancar déchu ne touche le sol.

Tout cela, Soi Fon ne le vit pas. Elle avait perdu conscience après sa dernière attaque. Son zanpakutô, revenu à sa forme scellée, reposait sagement au sol, proche de sa main. Son bras droit avait été déboité par la force du recul. L’onde de choc avait dévasté ses organes internes et brisé presque tous ses os.
‘‘Capitaine !’’
Oomaeda atterrit en shunpô à son chevet, affolé, et tenta maladroitement un sort de soin, un peu à l’aveuglette.
‘’Capitaine ! Capitaine !’’
Il pouvait sentir toute l’énergie vitale de sa supérieure quitter son corps. Il ne restait plus qu’une minuscule étincelle de vie, à peine perceptible. Puis plus rien de perceptible.




































Soi Fon entrouvrit faiblement les paupières, si peu qu’elle ne distinguait rien de ce qui l’entourait. Elle entendait les sons, mais ne comprenaient pas ce qu’ils signifiaient.
‘‘Elle va s’en sortir, le vieux ?!’’
Soi Fon se rendit compte qu’une douleur atroce martelait tout son corps, si intense que même si elle en avait eu l’énergie, elle n’aurait pu se concentrer sur ce qu’elle entendait.
‘‘Elle ne pourra plus combattre ni rien faire pendant longtemps, mais elle s’en sortira.
-Comment ça elle ne pourra rien faire ?’’
Cette voix… Lentement, Soi Fon regagna un peu, juste un peu de conscience. Elle connaissait cette voix.
‘‘Presque tous ses os et ses organes internes sont brisés. Son cerveau est touché. Si je n’étais pas intervenu dans la minute, elle serait morte. Il faudra que le capitaine Unohana s’occupe d’elle si on ne veut pas que certains dégâts restent permanents. Et quoi qu’il arrive, elle pourra à peine bouger pendant plusieurs mois.’’
Soi Fon referma les paupières, et commença à replonger, lentement mais sûrement, dans l’inconscience. Elle tenta d’articuler une phrase, mais n’aurait su dire si elle l’avait effectivement prononcée ou juste pensée :
‘‘Ushôda Hachigen…’’