Un peu de mes pensées...[La Clé des Cieux] Tome 14

Le temps passe et à chaque heure, les progrès des humains sont plus spectaculaires. Eux-mêmes sont si émerveillés par ce qui s’offre à eux, qu’ils se rendent de plus en plus rarement dans le monde des Vivants. Seule Varna semble encore y avoir quelque attachement, et encore.
Elanor ne masque pas sa fierté.

Même si je m’en doutais, c’est quand même difficile à croire. Leur vitesse de progression est stupéfiante, on est très loin des standards de l’Académie du Paradis. Ces âmes sont des génies. Je me demande ce qu’il en penserait….
Elanor tourne la tête sur le coté. Varna s’amuse avec la petite Oonile, qui ne boude pas son plaisir.

Par contre, Je n’arrive pas à savoir ce que cette petite est réellement. Son alcar est à moitié ange et à moitié démon, je n’avais jamais vu une telle chose. Mais ce n’est pas tout : il y a une troisième partie dans son âme, une espèce de…liant…C’est étrange, je n’avais encore jamais ressenti un rayonnement de ce style là. Ca ne correspond à rien de ce que je connais. Avec un peu de chance, il en saura plus que moi, je lui demanderai.

Un souffle lui fait lever la tête. Au-dessus d’elle, Gindar et Revi se livrent encore à une joute.
Ha, ce Revi. Il est fort dans son âme. Il ne le sait pas mais son pouvoir hurle en lui. Le jour où il l’entendra enfin….

Justement, les deux lames s’entrechoquent à ce moment avec violence. D’un seul geste, Gindar repousse facilement son adversaire et se lance dans l’ouverture.
Revi esquive avec souplesse, et veut tourner sa ligne des épaules pour profiter de la faille. Mais Gindar sent le coup venir.
Ses yeux pétillent et, au dernier moment, il pousse sur ses jambes et s’éloigne rapidement de son adversaire.
- Qu’est ce que….commence Revi, manquant son geste.
- A moi ! crie Gindar le sourire aux lèvres.

A même l’air, il se freine et part dans l’autre sens à la vitesse d’un boulet de canon.
Par reflexe, Revi lève sa lame à la parade mais la différence d’énergie est bien trop grande. Gindar ne se retient pas, son puissant revers envoie Revi s’écraser au sol dans un nuage de poussière.
- Putain de….peste le jeune homme en se relevant.

Son aura fulmine. Il sent l’énergie envahir ses veines, le gonfler à bloc. Mais ce n’est pas encore ça. Il le sait, ce n’est rien d’autre que sa rage. Mais pourquoi ? Pourquoi n’y arrive-t-il pas ?
Dans un cri de rage, Revi décolle comme une furie, lame en avant, et fonce sur Gindar.
- Je vais y arriver ! Je vais y… arriver !!!
- Okay, répond Gindar en concentrant sa puissance. Viens !!
Il présente sa lame, et c’est l’impact. L’onde de choc se répercute dans les airs, et les deux armes se verrouillent avec force.
- Vas-y !! hurle Revi, les dents serrées. Envoie tout !!
- Accroche-toi !!! réplique Gindar.

Le feu éclate autour du jeune homme quand il lance toutes ses armes dans la bataille. La pression sur les deux lames s’intensifie et Revi ne tarde pas à plier.
Ses bras bandés au maximum tremblent sous l’effort. Mais ce n’est rien. En face de lui, il y a une montagne. C’est comme essayer de repousser une grue avec ses mains nues. Il ne peut rien.
Cependant, Revi ne laisse pas tomber. Ses yeux brillent de détermination, les veines gonflent à éclater sur ses bras et sa figure. Il ne cédera pas. Il ne cédera rien, il doit le faire !

C’est ça, pense-t-il dans l’intimité de son esprit. L’impuissance. Je la ressens, dans mon âme et mon corps. Elle me ronge, elle me veut. Tu me veux, hein ? Et bien tu ne m’auras pas ! Maintenant que je t’ai en face, je te le dis ! Tu ne m’auras jamais ! je te repousserai toujours ! je te combattrai toujours ! je te mépriserai toujours !!

Et alors se produit le miracle.
Une étincelle s’allume en Revi. Son esprit est aspiré dans un tunnel noir, et il débouche dans un espace immense, empli de ténèbres. Devant lui brule un feu, il est maigre, clignotant. Mais il veut s’étendre, il ne demande que la liberté. Les flammes se tendent vers Revi, il peut entendre leurs gémissements.
Voilà la preuve. Je ne suis pas un faible. J’ai ce pouvoir en moi, et ce pouvoir veut grandir. Il veut m’aider à être fort dans ce monde. Et bien c’est tant mieux ! Je nourrirai ce feu avec ma douleur et mes espoirs !!

A ces mots, les flammes se jettent vers lui et l’enveloppent. Revi ne se débat pas, il se laisse pénétrer et envahir par cette nouvelle source de chaleur.
Ses muscles se retendent, son esprit trouve une nouvelle clarté. La puissance coule en lui, elle mugit sa rage et ses espoirs. Elle brule de combattre, elle veut monter, elle veut gagner !

Un hurlement venu des tréfonds de l’âme quitte la gorge de Revi alors que son aura explose de fureur.
Une immense pression tombe aux alentours, et Oonile et Varna interrompent immédiatement leurs jeux pour le fixer.
- Oh, merde ! gémit Gindar. Il….il….
Un choc violent, et le jeune homme est violement repoussé en arrière. Il titube un moment avant de se reprendre.

Quand il lève les yeux, il ne peut que s’étonner. Revi se tient devant lui, immobile dans les airs.
Le feu brule autour de son corps et dans ses yeux. On sent la force et l’assurance rayonner sur son visage. Dans sa main gauche, l’artefact de sabre part doucement en fumée. Ce n’est qu’un détail, car le destin s’est matérialisé dans sa main droite.

C’est une impressionnante épée à large tranchant, pourvue d’une garde forgée de fer brut, qui repose entre ses doigts. Un mélange délicat mais fonctionnel de la monture d’un Taichi japonais avec la robustesse d’une épée à deux mains du Moyen Age occidental.
Il l’a fait, pense Elanor, Gindar et Varna en même temps.

- Félicitations, Revi, déclare son adversaire avec le sourire.
Le visage de l’intéressé change brusquement. Le sérieux disparait, remplacé par l’euphorie.
- Bordel de merde !!!!! s’exclame-t-il avant d’éclater de rire.
Il lève bien haut sa nouvelle arme, symbole de son pouvoir, vers le ciel. Le crépitement de son alcar accompagne son cri de victoire :
- J’AI REUSSI !!

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La voix de Varna résonne d’assurance quand elle clame, les yeux fermés :

« Git aux salles du malin, fier parmi les hommes,
Trainé en héros, depuis les terres jusqu’aux cieux
Celui qui l’a pleuré, ce nom aux allures de mort »

Elle ouvre les yeux et conclut avec force :
- Verset 3….REPULSION !!
Aussitôt, une onde de choc part de sa main et fait reculer un rocher de plusieurs tonnes sur plus de dix mètres. Même Varna elle-même a du mal à y croire.
- Excellent ! la complimente Elanor. Tu avances très vite. On va bientôt passer à la prochaine étape.
Varna prend un air interrogateur, alors la jeune femme lui explique :
- Quand tu as lancé ton sort, j’ai remarqué que ton esprit allait déjà beaucoup plus vite que tes paroles. Le schéma du sort est en quelque sort gravé dans ton âme. C’est le signe que tu n’as plus besoin de scander le chant. Il ne fait que te ralentir.
- Tu es sure ? demande Varna, pas vraiment convaincue.
Elanor fait un geste d’invite.
- Essaye, tu verras bien.
- Bon, okay….

Varna inspire à fond, et tend la main :
- Verset 1, RAIGEKI !! s’exclame-t-elle.
Aussitôt, le trait de lumière quitte son index pour aller fracasser le rocher en mille morceaux.
- Tu vois ? Je te l’avais bien dit. Bon, essaye le numéro 6, maintenant.
Varna hoche la tête, beaucoup plus en confiance. Elle déclare aussitôt d’une voix forte et claire :

« Hardi devant le trône des enfers
A la main de fer, le héros se tient
Qu’il résonne en lui, ce nom aux allures de mort »

- Verset 6….LIEN DE VIE !! annonce-t-elle en tendant la main.
De sa paume jaillit aussitôt un mince filin de lumière, qui part s’envelopper autour d’une petite roche, avant de se rétracter en vitesse, pour déposer la pierre dans la main de la jeune femme. Celle-ci se fend d’un sourire satisfait. Même Oonile applaudit en riant.

- Quand je te vois faire ça, je me demande si je sers vraiment à quelque chose, raille Elanor. Okay, j’ai compris. On va passer à des sorts un peu plus difficiles.
Elle s’avance vers elle.
- RAIGEKI et REPULSION sont des sorts utiles. On peut modeler leur puissance en fonction de ce qu’on désire. Mais dans des combats réels, ils ne sont pas vraiment efficaces, à moins de les connaitre à fond.
Elle lui fait un sourire mystérieux.
- On va passer aux choses sérieuses, Varna. Regarde-moi bien.
Elanor tend la main, paume ouverte, et récite lentement :

« Quand glissent les rayons dans les frondaisons
Des bois ondoyant sous son souffle
A la claie du domaine, dominant la clairière
Il se murmure, ce nom aux allures de mort »

- Verset 16…TYPHON MYSTIQUE !!
A ces mots, le vent se met à tourbillonner autour de ses doigts, avant de prendre de l’ampleur et de former une tornade horizontale qui fait valser les pierres comme de simples jouets. La bourrasque s’étend pendant plusieurs secondes, puis s’évanouit.

Alors, Elanor se tourne vers son élève.
- Tu as vu ?
- Je crois, répond Varna. Il y avait deux lignes de concentration au lieu d’une, il me semble.
Elanor hoche la tête.
- C’est ça. Les dix premiers sorts n’utilisent qu’une ligne, les deux suivants, en utilise deux, et ainsi de suite.
- Et ça peut aller jusqu’où ?
Elanor lui sourit.
- Beaucoup. Mais une chose à la fois. Tu veux essayer de le refaire ?
Varna hoche la tête avec conviction.
- Je pense que je peux.

Plus loin, assis sur un rocher, Gindar les observe distraitement.
Elle aussi commence à apprécier cette vie. C’est vrai que ce qu’on découvre a de quoi émerveiller, mais….
Il baisse les yeux sur ses mains, juste au moment où Varna réussit à lancer le THYPHON MYSTIQUE.

Je le sens qui revient, poursuit-il. Il est toujours là, il m’observe tout le temps. Ce que j’apprends, il l’apprend aussi. Il se nourrit de mes progrès. Ca ne peut plus durer. Je ne peux pas nourrir mon pire ennemi. La prochaine fois qu’il m’apparaitra, je l’affronterai…

La nuit même, Gindar sent les ténèbres se refermer sur lui. Il ne se passe même pas cinq minutes, avant que le décor sinistre de son cauchemar apparaisse dans son esprit.

Il se retrouve de nouveau à courir dans une vallée faite de noir et de blanc à perte de vue. Derrière lui, le rire de son sosie résonne. Il est là, il arrive.
Je suis toujours conscient, c’est pas pour rien. C’est mon rêve, ma vie. Et je ne fuirai pas devant une peur que j’ai moi-même faite !

Alors, il fait brusquement volte face, décidé à tenir sa résolution. Son sosie est là, il court après lui en riant. En voyant Gindar immobile devant lui, il s’arrête, la surprise remplaçant la folie dans ses yeux rouges. Il ne s’attendait pas à ça, tant mieux.
Je ne fuirai pas cette fois, se dit Gindar avec assurance. Depuis toujours tu hantes mes jours, et me pourchasses chaque nuit. Mais cette fois, c’est fini. Je vais t’affronter. Et je vais te détruire !
Tendant la main, il fait apparaitre son sabre et se met en garde, lame pointée vers son adversaire.
Il est temps que je regagne le contrôle de ma vie. Je suis Gindar, et toi….tu n’es que mon passé !

Dans les yeux du sosie passe la surprise, puis un semblant de peur s’immisce. Mais il se reprend vite. Ses traits se déforment de haine et il bondit violement vers Gindar en poussant un hurlement de damné.
L’énergie noire se concentre dans sa main droite, et un katana identique à celui de son alter ego se déploie.
Gindar reste résolu. Ferme, il fortifie ses appuis et tient sa garde. Et c’est le choc. Avec violence, les deux lames se croisent.

Je n’ai pas peur, se répète Gindar. Je n’ai pas peur…de toi !!
Gonflant ses muscles avec toute l’énergie qui coule en lui, il repousse son sosie.
Je vais le battre ! Je suis dans MON rêve, MON esprit ! Je vais…

Gindar lève bien haut sa lame et l’abat, forçant le sosie à une parade haute mal appuyée. Ce dernier glapit de rage et, d’un pas sur le coté, il détourne les deux lames sur la gauche et pivote sur ses appuis, décochant un puissant coup de pied dans la poitrine de Gindar.
Le jeune homme recule en toussant. Il n’a pas le temps de se reprendre que le sosie est de nouveau sur lui.
Les deux lames se croisent, puis se recroisent, encore et encore. Gindar ne peut rien faire d’autre que de se défendre. Il recule, une attaque passe en sifflant à coté de son oreille droite. Il sent alors la peur panique revenir en lui.
Non !! Non !! Non !! Je ne dois pas…

A ce moment, Gindar rate une parade et la lame adverse lui balafre l’épaule. Une trainée de sang jaillit, le jeune homme s’entend hurler de douleur.
Un puissant coup de pied s’enfonce dans son estomac, et Gindar recule d’une bonne dizaine de mètres sous le choc. Son pied d’appui vrille, il trébuche, et s’effondre de tout son long.

Le rire satanique du sosie revient alors que celui-ci s’avance vers un Gindar grelotant de peur et de douleur.
Dans un dernier effort, le jeune homme brandit son sabre mais le sosie fait un simple revers et la lame éclate en mille morceaux.

Cette fois, Gindar est effondré pour de bon. Son regard fléchit et la peur panique s’enroule autour de son cœur. Alors que son sosie vient de s’arrêter juste devant lui, ses yeux se ferment doucement et il se laisse complètement aller sur le sol.
Est-ce là mon destin ? se demande-t-il avec un calme nouveau.
Il ricane dans son esprit.
C’est pour ça que j’ai vécu toutes ces années ? Pff, c’est idiot ! J’ai souffert pendant tout ce temps pour finir ainsi ? Tout ça…pour CA ?

La lame du sosie se lève bien haut.

C’est étrange. Je devrais être terrifié, mais je me sens bien. C’était peut-être tout ce qu’il fallait faire. La peur me poussait à fuir, à présent que je me suis battu, je suis en paix. Finalement, je peux bien mourir maintenant. Au moins, la souffrance et la peur sont terminées….
Alors qu’il prononce ces pensées, une nouvelle énergie englobe son corps. Son sosie s’interrompt, de l’interrogation dans le regard.
Attends une minute. Pourquoi devrais-je mourir maintenant que j’ai enfin vaincu ma peur ? Non, je ne veux pas. Je veux vivre. Je veux connaitre ce qu’il y a après la peur !

Cette fois, c’est au tour du sosie d’être pris de cours. L’énergie bouillonne autour de son adversaire et c’est lui qui recule, l’air complètement perdu. Alors, Gindar se redresse. Un feu nouveau brille dans la prunelle de ses yeux.
Je vais vivre. Avec mon corps…et mon esprit !

Le sabre réapparait dans sa main et, d’un coup d’un seul, il tranche le sosie en deux. Le rire démoniaque disparait aussitôt, remplacé par un glapissement de douleur et d’agonie. Jamais Gindar n’avait entendu si belle musique.

Immédiatement, il se réveille en sursaut. Il est en sueur et respire mal, mais il a soudainement envie de rire….

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Le lendemain, c’est avec un sourire franc et sincère que Gindar se livre à un nouveau duel avec Revi. Ils s’entendent de mieux en mieux et prennent visiblement un grand plaisir dans leurs joutes.

La large lame de Revi s’abat avec violence sur celle de Gindar, qui fléchit de quelques centimètres.
C’est suffisant pour que Revi exploite son avantage en bloquant brutalement les deux armes sur le coté. Il veut enchainer avec un coup de pied dans le ventre mais Gindar est vif.
D’un mouvement du poignet sec et précis, il dégage sa lame et balaye les airs. Revi bondit en arrière pour esquiver…mais son adversaire lui fonce déjà dessus.
Les lames se croisent, et se recroisent. Gindar se déplace à très grande vitesse, jouant de l’épaule, du coude et du poignet pour trouver des angles complexes. En face, Revi est contraint de reculer, mais il ne s’affole pas pour autant. Ses yeux d’experts cherchent la faille….qu’ils ne tardent pas à trouver.

- Ouverture ! s’exclame-t-il en tendant soudainement le bras.
Pétrifié de surprise, Gindar voit la large lame de son adversaire foncer vers son visage. Reflexe salvateur, il se jette vers le sol et esquive par-dessous. Mais il a du mal à se rattraper et Revi lui tombe dessus.
- C’est pour moi, cette fois ! triomphe-t-il.
Mais les yeux de Gindar pétillent. Au dernier moment, il prend l’air à pleine main et s’en sert d’appui insolite pour pivoter et lancer sa jambe en plein sur l’assaillant.
Revi place sa lame en défense et encaisse, ce qui permet à Gindar de bondir sur son autre jambe et de retrouver le corps à corps.
- Que tu crois, l’ami, que tu crois !! rigole ce dernier.

Les sabres se rencontrent de nouveau, et Revi recule brusquement. Gindar saisit l’opportunité et file, lame en avant.
Surpris, Revi part par reflexe….et manque le fer qui passe tout simplement en-dessous de sa lame pour filer vers son front.
Le sabre s’arrête à quelques centimètres d’un visage figé de surprise.
- 3 à 1, mon vieux ! déclare Gindar en souriant.

Les traits de Revi se détendent bien vite et il éclate de rire.
- Ha merde ! Bien joué, le coup du dégagement. Je l’attendais pas celui-là !
Les deux jeunes hommes se séparent et redescendent.
- Tu me la feras pas deux fois, celle-là ! annonce Revi. Cette fois, je t’aurai.
Gindar lève les yeux au ciel.
- Quoi, encore ? Mais quand est-ce que tu auras ton compte, toi !
- Quand je t’aurai battu, réplique Revi en se mettant en garde. Allez, viens !

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Un lourd silence règne derrière la Porte. Gindar, Revi et Oonile sont assis sur des rochers, toute leur attention rivée sur Varna.
Cette dernière se tient immobile, le visage calme, le corps relâché. Elle ne quitte pas de yeux Elanor qui lui fait face.
- Tu es prête ? demande celle-ci.
- Oui, répond Varna sans bouger. Allons-y….

Aussitôt, Elanor tend le doigt et lance un éclair de lumière droit sur elle. Varna ne panique pas. Ignorant le rayon, elle annonce calmement :
- Verset 3, REPULSION.
Au moment de l’impact, le rayon de lumière est violement repoussé vers le ciel, sans que Varna n’ait fait le moindre geste. Revi et Gindar hochent la tête, impressionnés par la performance.

- Très bien joué ! la complimente Elanor. Tu as une bonne vitesse et pourtant, je ne me suis pas retenue. Bon….
Brusquement, elle ouvre la paume de sa main et s’exclame :
- Verset 20, HINOTAMA !
Une multitude de petits projectiles enflammés jaillissent de sa main et foncent comme des balles de fusil sur Varna.
- Merde….peste celle-ci en écarquillant les yeux.
- Attention !!! hurle Revi en se levant d’un bond.

Mais il a tord de s’inquiéter. Varna s’est jetée sur le coté avec vitesse et précision, et aucun projectile ne la touche. Elle saisit immédiatement sa chance :
- Verset 15….FOUET DE LUMIERE !!
Une corde de lumière sort soudainement du sol et vient s’entourer autour d’Elanor. L’ange ne l’avait même pas vu venir, la surprise est manifeste sur son visage.
- Oh…..
Varna ne perd pas de temps et enchaine dans la foulée. Claquant des doigts, elle s’exclame avec assurance :
- Verset 19….RAMAI !!
Le ciel se déchire et un éclair de foudre tombe avec fracas sur Elanor.
- Oh merde…

Revi et Gindar n’en reviennent pas. Et ce n’est pas fini, Varna a fermé les yeux. Un doigt devant la bouche, le visage concentré, elle récite lentement et surement :

« Du royaume dans la neige des montagnes
Aux bois verts de la forêt cachée
Jamais encor par besoin ou aventure
Il n’a été dit ici, ce nom aux allures de mort ».

Elanor vient d’émerger indemne de la lumière et ses yeux s’écarquillent quand elle comprend ce que sa jeune élève est en train de faire.
- Je vois….
Varna rouvre les yeux et tend la main paume serrée :
- Verset 25…OOKAZI !!
Immédiatement, une grosse boule de lumière concentrée en jaillit et fonce sur Elanor. Un sourire nait sur les lèvres de celle-ci.
- Verset 28, MUR DE LUMIERE !

Une sorte de barrière lumineuse se déploie devant elle et la boule de feu explose à son contact. Revi et Gindar se couvrent les yeux tellement la lumière dégagée est intense.
- Ouah ! fait Elanor quand l’éclat se dissipe. Magnifique séquence, Varna. Tu m’impressionnes de plus en plus.

La fierté se lit sur le visage de Varna. Elle jette un regard à Gindar et à son frère, qui hochent la tête pour témoigner leur admiration.

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Plus tard, Elanor leur annonce qu’elle doit retrouver son petit ami dans le monde des vivants. Elle quitte donc la dimension de la Porte, laissant Gindar, Varna, Revi et Oonile seuls.

- Elle a un petit ami ? S’étonne Varna.
- Oui, confirme Gindar. Il s’appelle Kumano je crois. Il est étrange comme gars d’ailleurs. Il ne sourit jamais, ne regarde jamais personne, ne parle jamais à personne. Je me demande vraiment pourquoi Elanor est avec lui. Il est son exact contraire.
Revi ricane.
- Ouais, et surtout, il y a un truc que je ne pige pas. Elanor nous a bien dit qu’elle était un ange, non ? C’est une âme, elle n’appartient plus au monde des vivants. Alors pourquoi elle roucoule avec un humain, hein ?
- Il n’est peut-être pas humain non plus….intervient Varna.
- Un autre ange ? répond Gindar. Mais on ne l’a jamais vu se pointer ici. Pourtant, ça a l’air d’être là où Elanor passe la plus part de son temps.
Revi lève les bras au ciel.
- Bah ! Il n’est peut-être pas au courant. Elanor se sert peut-être de lui pour s’amuser, ou autre. Je sais pas, et je m’en fiche.
Gindar approuve de la tête.
- Tu as raison. Ce ne sont pas nos affaires.

Les jours passent derrière la Porte. Les deux jeunes hommes continuent de se livrer des duels acharnés, mais Gindar gagne de plus en plus souvent. Il est plus en phase avec son pouvoir, ce qui le rend plus rapide et plus précis que son camarade.
Finalement, après avoir mordu la poussière une nouvelle fois, Revis ricane en se relevant.

- Merde, Gindar ! T’es devenu beaucoup plus fort que moi.
L’intéressé se contente de sourire.
- T’étais pas loin cette fois, relativise-t-il.
- Tss, te fous pas de moi, réplique Revi en se massant la nuque. Tu vas stagner si on continue comme ça.
Il se tourne vers Elanor, qui vient juste de revenir derrière la Porte.
- Je suis sûr qu’elle ferait un bien meilleur adversaire que moi.
D’abord surprise, la jeune femme se fend d’un franc sourire.
- Bonne idée ! répond-elle en hochant la tête.

Revi s’écarte pour la laisser avancer vers Gindar. Celui-ci s’efforce de garder son calme, mais son esprit avance à toute vitesse.
- Bon ! Voyons-voir ce que tu vaux, Gindar !
Ca y est, se dit le jeune homme en serrant la poignée de son sabre. On va enfin savoir à quel niveau elle se situe. Vu le contrôle qu’elle a sur son alcar, je suis convaincu qu’elle est très loin devant nous.

Gindar plisse les yeux en les fixant sur son adversaire. Elanor n’a pas changé d’attitude, toujours très souriante. Mais il perçoit un fin changement dans son alcar. Il s’est éveillé, il se déploie.
C’est comme un rayonnement doux et chaud, presque pétillant. Mais cet éclat reste calme, très maitrisé, et il sent bien qu’Elanor ne déploie qu’une infime partie de son pouvoir.
- Ben alors ? demande la jeune femme. T’attends quoi ?
- Tu n’utilises pas ton pouvoir scellé ? réplique Gindar, sur ses gardes.
Elanor lui répond par un clin d’œil.
- Doucement, doucement ! Essaye de me toucher d’abord. Après on verra….
Pas vraiment des mots pour rassurer Gindar.
Elle a l’air très sure d’elle. Sait-elle déjà qu’elle n’a rien à craindre de moi ? Non….il n’y a qu’une façon de le savoir…..

Gindar bannit le doute de ses pensées. Il prend une longue respiration….et passe à l’attaque. Varna et Revi en restent scotchés. La vitesse de leur ami est effarante. Il a tout simplement disparu, pour réapparaitre à deux pas de sa cible. La lame du jeune homme siffle… mais ne touche rien.
Elanor a penché légèrement la tête sur le coté et le sabre n’effleure même pas ses cheveux noirs.
- Putain de merde….murmure Revi qui n’en croit pas ses yeux.

Mais Gindar lui s’en doutait. Sans perdre sa concentration, il inverse la prise sur sa garde et pivote pour dégager un puissant coup de pied. Cependant, Elanor disparait à son tour, et réapparait un mètre sur le coté. Les yeux de Gindar se plissent.
Rapide ! Mais je la vois….
Vif comme l’éclair, il balaye l’air de sa lame, mais un petit mouvement d’épaule chez Elanor fait échouer la tentative.
C’est pas encore fini !

Gindar enchaine de nouveau, et ses attaques se font de plus en plus rapides et soutenues. Il joue du poignet et des jambes avec beaucoup de précision mais Elanor en face de lui ne semble pas éprouver la moindre difficulté à esquiver.
- Incroyable la vitesse d’esquive, commente Revi. Gindar a à peine bougé qu’elle réagit déjà.
- Oui, elle est vraiment très rapide, confirme Varna.
Revi hoche la tête.
- C’est sûr, mais il y a autre chose : l’expérience. Ca saute aux yeux, elle a l’habitude de se battre depuis très longtemps. Elle connait parfaitement son corps, sa vitesse, ses réactions. Il n’y a aucun temps mort dans ses mouvements, ils sont tous égaux en contrôle et en exécution. C’est….j’avais jamais vu ça avant….

Juste à cet instant, Elanor esquive sans même bouger les pieds deux frappes successives et en profite pour pivoter sur ses appuis et décocher un revers de la main de toute beauté.
Pris à contre temps, Gindar fait un bond en arrière pour mettre de la distance. A la grande surprise de tout le monde, il sourit.
- Je le savais, tu es à un tout autre niveau que nous.
Elanor hausse les épaules.
- Merci du compliment. Mais tu te débrouilles vraiment très bien.
Gindar sourit de plus belle.
- Tu n’as encore rien vu….

Il serre son sabre, solidifie ses appuis. Autour de lui, son aura s’active lentement. L’énergie s’anime, tout son corps se met à briller.
- Ouah ! commente Revi, en serrant le poing. Quelle pression….
Elanor aussi parait étonnée de la masse d’énergie dégagée par son adversaire.
- Pas mal. C’est…..

Ses yeux se révulsent soudainement. Gindar a disparu.
- Merde ! s’exclame Elanor, au moment où le jeune homme surgit de nulle part pile devant elle.
La lame d’acier traverse l’air en sifflant et elle esquive de justesse.
Ouah ! pense la jeune femme. J’ai failli ne pas le voir ! Une telle….
Elle n’a pas le temps de continuer car, déjà, la lame de Gindar file à deux centimètres de son oreille.

Le duel se poursuit mais cette fois, les déplacements de Gindar sont tout simplement ahurissants.
Elanor a perdu le sourire. Le visage d’une gravité que ses élèves ne lui connaissaient pas, elle s’applique avec difficulté à esquiver les multiples frappes de son adversaire.
A un moment, le sabre traverse sa manche, faisant voler du tissu, et la jeune femme passe près de se faire emporter le bras. Elle plisse alors les yeux.
Tant pis….pas le choix….

En évitant encore trois autres attaques, elle s’exclame :
- Verset 17, CORPS DE PIERRE !
Immédiatement, son bras droit vire au noir et se solidifie, juste à temps pour arrêter tout net une attaque de la lame adverse. Elanor exploite sans perdre une seconde.
- Verset 25, OOKAZI !

De sa main gauche ouverte, une boule de lumière jaillit.
Ahuri, Gindar a juste le temps de replier son sabre en défense. Mais la charge magique est bien trop puissante. Malgré ses appuis, le jeune homme est emporté plusieurs mètres en arrière.
- Pffiou ! fait Elanor. C’est pas passé loin !

Tu parles ! pense Gindar. Elle m’a fait gicler sans aucun problème avec sa magie. Et J’ai même pas eu le temps de comprendre qu’elle allait utiliser un verset…Il y a un monde entre elle et nous, c’est clair…
Il serre ses doigts autour de la garde de son katana en vu du second round. Mais sa concentration est soudainement interrompue par un grondement sourd. Son regard se tourne automatiquement vers l’origine du bruit : la Porte de l’étrange dimension alternative est en train de s’ouvrir.

Les lourds battants de bois coulissent lentement, révélant derrière une grande silhouette. Quand l’invité surprise fait son entrée, Gindar le reconnait tout de suite.
Lui…Alors il est aussi…
- Ah, Kumano ! s’exclame Elanor, coupant les pensées de son élève.
Tout le sérieux de l’ange s’évapore en un instant. Les yeux pétillants, elle se précipite vers son petit ami pour le prendre par le bras.
- Tu as fini l’exposé ? demande-t-elle le plus naturellement du monde.

Gindar, Revi et Varna n’en croient pas leurs yeux. Quant à Oonile, un seul regard au nouveau venu lui suffit pour qu’elle prenne peur.
- Tu sais, le truc c’est qu’on est sensé le faire à deux cet exposé, répond Kumano d’une voix ennuyée.
- Je sais, mais j’y comprends rien du tout, réplique Elanor avec un sourire. Et puis, je t’aurais gêné plus qu’autre chose.
- Peut-être bien, soupire Kumano.
Il balaye la dimension du regard, sans s’attarder plus que nécessaire sur les trois compagnons.
- Alors, comment ça se passe ici ? demande-t-il.
- Ils sont doués, exactement ce que j’attendais, répond Elanor avec une fierté perceptible.
- Content pour toi.

La réponse du jeune homme est tellement neutre que les trois compagnons se sentent immédiatement mal à l’aise. Mais ça n’a pas l’air de gêner Elanor.
- Tu veux voir ? lui demande-t-elle, de l’excitation dans la voix.
- Non merci, j’ai pas que ça à faire, réplique Kumano froidement. Le contrôle de maths ne va pas se préparer tout seul. Tu devrais réviser aussi. Vous tous d’ailleurs.

Les étudiants sont trop surpris pour répondre. Kumano est donc au courant mais qu’est ce que ça cache ? Gindar décide de se joindre à la conversation.
- Et tu es qui, toi, dans l’histoire, si je peux me permettre…
Kumano tourne son regard noir dénué de toute expression vers lui. Mais Elanor ne lui laisse pas le temps de répondre.
- C’est mon petit ami, c’est tout.
L’intéressé baisse le regard.
- Exactement. Bon, à part ça, l’expo que t’attendais est sortie.
- Vrai ? Super ! On y va ! répond Elanor en entrainant son compagnon vers la Porte.
- Et le contrôle de maths ? proteste ce dernier.
- Comme si t’avais besoin de le réviser ! Allez, viens. Faut que je te parle d’un truc important.
Se tournant vers ses étudiants, elle termine :
- Continuez un peu tous seuls, je repasserai. A plus.

Dans la rue, il n’est pas rare de voir de jeunes couples. Celui formé par Kumano et Elanor n’a de prime abord rien de particulier. Main dans la main, ils peuvent donc passer totalement inaperçu, même si leur discussion n’a elle rien d’ordinaire...

- Tu te rends compte ? est en train de dire Elanor. De l’alcar d’ange et de démon dans la même âme, je n’avais jamais vu ça.
- Une âme hybride, peut-être, suggère Kumano d’un ton neutre.
- Non, répond sa compagne. Je connais les hybrides, Oonile n’a rien à voir avec eux. Il ne s’agit pas d’un Démon ou d’un Ange dont l’alcar s’est altéré après une exposition à une haute dose d’énergie opposé. Là, c’est carrément la structure même de l’âme qui est bipolaire. Je l’ai étudiée pendant plusieurs heures, je n’ai pas trouvé la moindre dominance d’un coté ou de l’autre de son alcar.
- C’est impossible, rétorque Kumano. Il y a forcément un coté qui prime sur l’autre. Tu sais bien que l’âme prend l’empreinte de l’énergie la plus proche lors de la sortie du corps. Et le vide absolu n’existe pas. Où qu’on se trouve, il y a toujours de l’alcar d’ange ou de démon qui traine. Il y a donc toujours une empreinte originelle. Même ceux qui ont changé d’alcar par après conservent cette marque, c’est indélébile.

Elanor secoue la tête.
- Pas besoin de me faire un cours, Kumano. Je sais comment chercher une empreinte originelle, et je peux te garantir que cette gamine n’en a pas.
Son compagnon soupire.
- Admettons. Alors soit elle est le résultat d’une mutation naturelle spontanée…
- …soit quelqu’un a provoqué cette mutation, termine Elanor. C’est la première idée qui m’est venu. Ca aurait le mérite d’expliquer la présence dans son âme de cette espèce d’alcar liant que j’ai trouvé.
- Pourquoi pas…Elle serait le produit d’une expérience alors. Mais je ne vois pas l’intérêt pour le Paradis ou l’Enfer de financer ce genre de recherches…

Cette remarque provoque un haussement d’épaule chez sa compagne.
- Le Paradis et l’Enfer ne cherchent qu’une chose : plus de pouvoir. Mais le mélange d’alcar chez Oonile ne sert à rien de ce coté là. Pire : les deux cotés cherchent chacun à prendre le dessus sur l’autre, si bien qu’ils se neutralisent. La puissance de son âme s’en ressent, elle ne sera jamais un combattant.
- Alors disons qu’il s’agit d’un projet de recherche qui a échoué, tout simplement.
- Mais ces recherches sont vieilles comme le monde, Kumano, réplique la jeune femme. Tous le monde sait que l’hybridation ne fait qu’affaiblir les âmes. Alors pourquoi retenter le coup à notre époque ? Les responsables recherche du Paradis et de l’Enfer ne sont pas des idiots.
- Ca, je te l’accorde, concède Kumano. Mais qu’est ce qu’il nous reste comme piste alors ? Mutation naturelle ? J’ai du mal à y croire personnellement…
- Pareil.

Un instant de silence fait suite à ce long débat. Les deux jeunes gens viennent d’arriver devant le bâtiment abritant l’exposition. La file d’attente est trop longue et il se fait déjà tard. Kumano et Elanor décident de passer leur chemin.

- A propos, tu ne m’as toujours pas dit ce que tu comptais faire avec eux, au juste, reprend Kumano après un moment.
- C’est à eux de décider, réplique la jeune femme.
Son compagnon expire bruyamment.
- Ils n’ont pas l’air d’avoir compris les enjeux en tout cas. Au lieu de rester derrière la porte, ils n’arrêtent pas de partir en expédition, sans utiliser leurs corps dimensionnels en plus. C’est n’importe quoi, les anges et les démons les ont à coup sûrs repérés.
Elanor soupire.
- Je ne peux pas les surveiller 24 heures sur 24, Kumano.
- Mais, s’ils se font avoir, qu’est ce que tu comptes faire ?
Elanor semble hésiter avant de répondre.
- Ca dépend, je ne sais pas encore.
Kumano baisse les yeux.
- Quand des âmes Egarées restent près d’une source d’énergie de haut niveau, elles ont tendance à en prendre la structure, lui rappelle-t-il. Tu sais ce que cela signifie, n’est-ce pas ? Si ce sont des Démons qui leur tombent dessus, ils risquent fort de les tuer sans poser de questions tellement ils ressembleront à des Anges.

Instant de silence. Une lourde tension semble s’être abattue sur le couple.
- Tu comptes intervenir ? demande finalement Kumano.
- Ils sont forts, lui rappelle Elanor.
- Certes, mais ils sont très loin de rivaliser avec les Arcanes ou les Zodiacs. De plus ….
Il se tourne vers elle et la fixe dans les yeux.
- ….Ca ne répond pas à ma question, Elanor.
Sa compagne détourne le regard, mal à l’aise.
- Ca va maintenant, lâche-moi avec ça. On verra sur place.
- Si tu le dis…..
La nuit est presque tombée. Kumano lève les yeux au ciel en soupirant.
- C’est pleine lune ce soir…
- Je sais, répond Elanor.

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De retour derrière la Porte, Elanor décide de continuer le combat interrompu face à Gindar. Elle s’avance vers ses étudiants, tandis que Kumano reste en retrait. Mais, cette fois, Revi s’interpose en disant que lui aussi a fait des progrès.
- Okay, répond celle-ci en souriant. Fais voir.

Le sourire de Revi s’élargit. Il serre la garde de son sabre et se propulse aussitôt à une telle vitesse que la poussière se met à voler. Le sabre tranche l’air, mais Elanor a déjà fait un pas de coté.
- Pas mal, commente-t-elle.
- C’est encore rien ! réplique le jeune homme en pivotant sur ses appuis.

Le pied balaye l’air et Elanor doit faire un petit pas en arrière. Cela laisse le temps à Revi de repartir de plus belle. Sa lame file comme l’éclair vers le visage de son adversaire, qui bouge à peine la tête et l’évite.
- C’est pas fini !

Revi s’acharne et ses attaques sont de plus en plus rapides. Mais, en face, Elanor évite sans aucun effort apparent. Avisant une ouverture, la jeune femme avance le pied droit et fauche d’un mouvement précis les appuis de Revi.
Celui-ci bascule mais ses reflexes ne le quittent pas. Sans perdre son sang froid, il se laisse tomber, se rattrape sur la main gauche, pivote dans les airs, et Elanor doit se servir de son poignet pour arrêter sa botte.
Varna et Gindar sont admiratifs. Pour sa part, Kumano ne montre pas la moindre émotion.

Pendant ce temps, Revi s’est déjà remis sur pied.
- Alors ? T’as pas réussi à esquiver cette fois ?
- Tu te débrouilles sacrément bien avec un sabre, répond Elanor, beau joueur.
- Oh, ça s’était rien.
Revi sourit de plus belle.
- Je ne fais que m’échauffer !
- Alors t’attends quoi ?
- Rien !

Et Revi repart à l’attaque. Mais cette fois, Elanor le surprend en tendant un doigt. Un éclair en jaillit, prenant Revi à contre temps. Faisant preuve d’une vitesse inouïe, il se contorsionne et évite mais Elanor est déjà sur lui.
- Fait…commence-t-il.
- Verset 25, OOKAZI !!

La boule de lumière quitte sa main, à deux centimètres du torse de Revi, l’envoyant plus de douze mètres en arrière.
- Merde ! jure-t-il en se relevant dans la poussière. C’est pas du jeu, ça !!
- Ha ? Et pourquoi ? Ironise Elanor. Chacun sa manière de combattre.
Revi ricane et se remet en garde.
- Okay, si tu veux. Mais tu ne m’auras pas deux fois avec le même truc.
- J’en ai beaucoup d’autres en réserve, réplique Elanor avec un clin d’œil.
- J’ai hâte de les voir !! rétorque Revi du tac au tac en repartant à l’assaut.

Cette fois, il inverse sa prise sur la garde et, arrivé devant Elanor, il pivote sa ligne des épaules et son sabre tranche l’air à toute vitesse. La jeune femme a esquivé d’une magnifique pirouette arrière, mais Revi ne la quitte pas des yeux.
- Comme prévu !!! triomphe-t-il en pointant son arme.
Malheureusement pour lui, Elanor a un temps d’avance….
- Verset 15, FOUET DE LUMIERE ! déclare-t-elle, avant même d’avoir touché terre.
- Quoi ?

Un mince cordon lumineux se déploie autour de la lame de Revi. A l’autre bout, Elanor prend pied au sol et tire un coup sec pour dérouter le sabre de sa course.
- Qsss ! peste Revi en se débarrassant de la corde de lumière. C’est quoi cette…
Il n’a pas le temps d’enchainer car Elanor vient de disparaitre de son champ de vision.
- Comm… ?
- Verset 20, HINOTAMA !
Elanor est juste derrière lui. Les boules de feu quittent sa main tendue et viennent frapper en cadence le dos du pauvre Revi, qui ne tarde pas à aller s’écraser dans la poussière dix mètres au loin.

En retrait, Gindar et Varna ne peuvent être qu’admiratifs.
- Incroyable…fait la jeune femme. Je…je ne l’ai même pas vue bouger.
- Elle est rapide, confirme Gindar, les sourcils froncés.
Mais moi je l’ai vue ! ajoute-il pour lui-même.

- T’ain ! peste Revi en se relevant. T’es sacrement forte. J’ai même pas réussi à te faire sortir ton pouvoir. Merde. Dommage, ce sera pour la prochaine fois.
Il la salue de sa lame avant d’incliner la tête.
- Merci pour la leçon, termine-t-il.
- Quand tu veux, répond Elanor qui sourit en lui rendant son salut.
Elle se tourne vers Gindar.
- On a quelque chose à finir, non ?
- Je suis prêt, répond celui-ci en se débarrassant de sa veste.

L’alcar de Gindar monte en puissance quand son sabre se matérialise dans sa main. Après une longue inspiration, il se met en garde et fixe Elanor des yeux.
Elle est rapide et sacrément forte. Mais je sais que je peux faire autant que ce qu’elle vient de montrer.
- Alors ? Tu viens ? demande-t-elle.
- Me voilà…

A son tour, Gindar disparait. Elanor écarquille les yeux et saute sur le coté, juste à temps pour éviter la lame du jeune homme qui passe à moins d’un centimètre de son visage.
Ouah, c’était chaud. Il a failli me…
Elle n’a rien le temps de penser d’autre car Gindar vient de pivoter. Sa lame file à une vitesse démentielle et Elanor esquive de justesse le balayage.
Il est encore à un autre niveau que Revi. Va falloir…

Un éclair part de sa main et file sur Gindar mais celui-ci réagit dans l’instant. Sa lame levée, il part le rayon et lance une nouvelle attaque. La lame rate Elanor de peu.
- Et ben ! S’exclame-t-elle. T’y vas pas de main morte. Mais t’es encore loin, crois-moi.
Gindar a un petit sourire à son tour.
- Je suis loin, mais je me rapproche. Et je continue d’avancer !

D’un bond sur appui, il se relance à l’attaque en brandissant son sabre. Cette fois, Elanor devient grave.
Au dernier moment, elle disparait à son tour et l’attaque ne trouve que le sol. Elanor est derrière Gindar…mais celui-ci l’avait prévu.
- Premier verset…RAIGEKI !
- Quoi ??
Le doigt pointé dans son dos, Gindar fait jaillir le rayon qui touche Elanor en plein, lui faisant faire un mini vol plané sous le choc électrique.
Touché !!

- Il…balbutie Revi, éberlué.
- Il a réussi ! complète Varna.

Le combat n’est pas encore terminé pour autant. Elanor se reprend sur une main et essaye de se rétablir mais Gindar est déjà sur elle.
La lame fauche l’air et elle est obligée de sauter pour éviter de perdre son bras. Tournant sur elle-même, Elanor décoche un puissant coup de chaussure dans la mâchoire de Gindar. Sonné, le jeune voit des étoiles.
Merde….je l’avais pas vu venir celui-là, pense-t-il. Elle a de la ressource….
- Verset 25…OOKAZI !! enchaine Elanor.
- Merde….peste Gindar en levant son sabre en défense juste à temps.

Il essaye de repousser la boule de lumière mais n’y parvient pas. Voyant Elanor arriver derrière, il saisit immédiatement l’ouverture.
Résolument, il plonge au sol, laissant la boule emporter son sabre au loin. Les spectateurs sont scotchés.
Elanor, elle, ne peut stopper son élan et Gindar se redresse à moitié devant elle, tendant une main :
- Verset numéro 20………HINOTAMA !

Les boules de feu jaillissent, atteignant Elanor à bout portant. La jeune femme recule de plusieurs mètres, les bras croisés pour se protéger de la rafale.
- In…incroyable !! s’exclame Revi.
A coté de lui et de sa sœur, Kumano échange un coup d’œil fugitif avec sa compagne.
- Pffiou! s’exclame cette dernière. Impressionnant ! T’es vraiment devenu fort ! C’est Varna qui t’as donné des cours, non ? Bien pensé. Tu es aussi très doué pour la magie on dirait. Belle exécution…..
- Merci. On dirait que tu n’as plus le choix, réplique Gindar en souriant.
Le sourire de son adversaire s’élargit. Ses yeux se mettent à pétiller.
- Ouais, on dirait bien, répond-elle.
Elanor tend alors le bras droit et elle laisse échapper un petit ricanement.
- Tu voulais le voir depuis le début, hein ? Okay, voyons voir ce que tu vaux vraiment, déclare-t-elle.

Soudainement, un vent glacé se lève et vient s’enrouler autour de son corps.
C’est comme si un géant retenait tout d’un coup son souffle, avant de vider ses poumons d’un seul coup.
De la glace se forme aux pieds de la jeune femme et l’air devient sec comme le désert tandis qu’une pression terrible tombe sur la dimension alternative. Puis, enfin, le vent tombe et la tension ambiante s’évanouit.
Un coup de blizzard vient glacer les trois compagnons jusqu’au sang quand une épée blanche comme le nacre se déploie dans la main d’Elanor. La construction de l’arme évoque le Jian chinois, avec une garde sculptée dans le marbre montée sur une lame finement gravée d’or.

- Alors c’est ça, ton pouvoir…..commente Gindar au bout d’un moment.
Elanor fait jouer ses doigts sur la garde, avant de lever les yeux vers son adversaire.
- En effet. Mais je te préviens, il n’a rien à voir avec le tien.
Gindar se fend d’un sourire.
- J’avais remarqué ! Ca doit être la fameuse deuxième étape dont tu nous as parlé.
- Oui, répond Elanor en pointant la lame blanche vers lui. Tu veux l’entendre ?
- Et comment !

Sans hésiter, Gindar se lance à l’attaque. Mais, au dernier moment, il coupe son mouvement et lance un RAIGEKI droit sur son adversaire.
Elanor ne bouge même pas, l’éclair se dissipe de lui-même au contact de son aura de glace. Gindar n’a pas le temps de faire autre chose car l’épée blanche s’est déjà abattue.
Un croissant de glace pure traverse l’air et arrache son arme des mains de Gindar. Le choc de vent glacé est tel que le pauvre jeune homme se retrouve balayé à dix mètres de distance.

- Ouah ! s’exclame Revi. C’est…balèze !
- Alors c’est ça un pouvoir descellé ? demande Varna, intriguée. La puissance n’a rien à voir.
Elanor expire lentement et son alcar se calme, avant de disparaitre, emportant la magnifique épée avec lui.
En se relevant, Gindar déclare :
- J’ai compris maintenant. La première étape correspond seulement à la matérialisation du pouvoir. Et à la deuxième, on a accès à une capacité spéciale, c’est ça ?
- Exactement. Nous appelons cela le « Dan », il est unique pour chaque combattant. Mais le maitriser entièrement demande du temps, beaucoup de temps.
- On a encore beaucoup de chemin à faire, alors ! conclut Revi.
- Vous avez bien beaucoup avancé, relativise Elanor alors que Kumano s’en va déjà, sans un regard pour les humains.

Elle soupire et va s’assoir sur un rocher, entourant les jambes de ses bras, comme elle en a l’habitude.
- D’ailleurs, je crois qu’il est temps pour vous d’en apprendre un peu plus sur les Démons et les Anges, poursuit-elle. En particulier sur les différentes catégories dans leurs rangs.
Les trois compagnons et Oonile se rapprochent.
- Des catégories ? s’étonne Varna. Tu parles d’un classement ?

- En quelque sorte, oui, répond-elle en hochant la tête. Les Anges et les Démons ont chacun leur hiérarchie, comme dans toutes les armées on pourrait dire. Je vous ai déjà parlé de ce qui arrive aux âmes après les Sept Territoires des Morts, non ? Et bien, la plus part d’entre elles intègre les armées des deux camps. Le Paradis est le mieux organisé. Son armée est divisée en huit divisions, appelées les Couleurs : Il y a les Cœur, les Carreaux, les Piques, les Trèfles, les Sabres, les Deniers, les Coupes et les Bâtons. Chaque couleur compte des soldats numérotés de 1 à 10 suivant leur puissance. Il y en a plusieurs de chaque numéro, évidement. Au dessus se trouvent les officiers. Chaque couleur compte un Valet, un Cavalier et un Roi ou une Reine.
- Ouah, c’est précis ! s’exclame Revi. Les Rois et les Reines sont les plus forts alors….
Elanor secoue la tête.

- Ils sont forts, c’est vrai, mais ce sont loin d’être les meilleurs. Il existe une catégorie qui leur est très largement supérieure. En fait, cette catégorie évolue à un tout autre niveau. On ne peut même pas les comparer aux officiers tellement la différence est grande. Ce sont les Arcanes. Leur nombre est fixe : 21, pas un de moins et pas un de plus. Depuis des millénaires, la règle n’a jamais connu d’exception. On les nomme d’après les 21 arcanes du Tarot, je vous épargne le détail.

Un silence lourd de signification tombe. Les trois compagnons réalisent tout d’un coup de quel monde ils font désormais partie.
- Alors c’est eux qui font la loi au Paradis, murmure Gindar.
- L’élite de l’élite, complète Revi.
Elanor confirme de la tête.

- Vous avez compris. Mais, en face, les Démons ne sont pas à plaindre non plus. Leur organisation est bien moins stricte, par contre. Les âmes deviennent pour le plus part de simples adeptes, l’équivalent des soldats du Paradis. Ensuite, on trouve les Chevaliers, dont le rang est équivalent à celui des officiers de grade Valet ou Cavalier suivant leur force. Encore au-dessus, on a les Primats, qui rivalisent eux avec les Rois et les Reines. Et bien sûr, il y aussi un équivalent pour les Arcanes…
- Qui sont ?
- Les Zodiacs. Eux aussi sont en nombre fixe : 20, jamais plus et jamais moins. Ils forment l’élite de l’Enfer.

De nouveau, un silence accompagne cette révélation. Arcanes Vs Zodiacs, voilà donc la vérité de l’Au-delà.

- Les combats entre un Zodiac et un Arcane sont malgré tout très rares, reprend Elanor. Et la plus part du temps, ils ne vont pas au bout.
- L’un abandonne ? s’étonne Revi.
- Pas vraiment. Mais, quand un Arcane ou un Zodiac se retrouve en difficulté, des subordonnés se précipitent pour l’aider. Sans compter que leur résistance est très grande et qu’ils peuvent se battre longtemps.
- Okay, je vois, commente Revi. C’est pas de la rigolade….
- Il faut bien, l’équilibre de l’univers est en jeu après tout, répond Elanor. Mais, j’en profite pour vous mettre en garde.

Elle décroise les jambes et devient tout d’un coup d’un sérieux jamais vu jusque là.
- Jusqu’à que chacun de vous soyez fixés sur ce que vous comptez faire avec votre pouvoir, vous devez à tout prix éviter le contact avec les Anges et les Démons. Ils ont tous des détecteurs d’aura et s’ils vous repèrent, vous aurez vite de très gros ennuis. Alors, quoi qu’il arrive, ne vous mêler surtout pas de leurs affaires.
L’ange fronce encore plus les sourcils.
- Je ne plaisante pas, insiste-t-elle. Non seulement vous vous mettriez dans un danger dont vous n’avez pas idée mais vous risqueriez la vie de vos camarades et aussi de tous vos proches.

- Nos proches ? ricane Revi. Comme si on en avait !
- C’est pas une raison, objecte Varna. Si l’un de nous trois se fait attraper, nous aurons tous des ennuis.
- Oui. Vous êtes des âmes qui sortent de l’ordinaire. Que ce soit le Paradis ou l’Enfer qui vous attrape, vous n’avez pas idée des expériences qu’ils vont vouloir mener.
- On a connu bien pire que quelques expériences, Elanor, réplique Revi.
- Et pire que la mort, vous avez déjà connu ?

Le temps passe derrière la Porte. De temps à autre, les trois compagnons sortent dans le monde extérieur pour se changer les idées, mais de moins en moins souvent sous la forme de simples humains.

Pour Revi et Gindar, le cap est définitivement franchi : ils n’ont plus rien à faire parmi les vivants. Pour Varna, la transition est plus longue, mais elle se rend compte de mieux en mieux qu’elle n’avait en réalité aucun lien réel avec les autres vivants.
Ses copines de classe ? La plus part n’avaient même pas remarqué qu’elle s’était absentée des cours pendant plus d’une semaine et aucune n’avait pensé à prendre de ses nouvelles.
En ce qui concerne Oonile, elle apprécie visiblement beaucoup sa vie derrière la Porte. Elle s’est attachée à ses camarades d’infortune, qui lui rendent bien. Elle est devenue en quelque sorte leur mascotte et ils passent tout trois beaucoup de temps avec elle.

Dans ce contexte de rêve, il finit quand même par se produire l’évènement que tout le monde redoutait.
Un jour, Gindar décide d’emmener Oonile avec lui afin de lui faire découvrir le monde réel (sous forme d’âmes, bien sur, c’est beaucoup plus pratique). La jeune fille se montre émerveillée mais, tout d’un coup, elle commence à paniquer.
Elle se met à hurler et échappe à la vigilance de Gindar. Celui-ci se lance à sa poursuite et la rattrape heureusement assez vite. Il retrouve la petite fille en état de choc, ne cessant de répéter : « ils arrivent, ils arrivent » en sanglotant.

Cela fait l’effet d’un électrochoc à Gindar qui se met aussitôt en état d’alerte.
Hé merde…pense-t-il en affinant sa perception sensorielle.
La fureur et la bestialité dans l’air ne laissent pas planer le moindre doute : des Raucos sont tout près. Et ils se dirigent vers eux.

Gindar ne perd pas une seconde. Il attrape Oonile par le bras et décolle pour s’éloigner le plus vite possible. Mais les Raucos sont toujours derrière lui.
Merde ! Je ne peux pas me battre avec elle sur les bras ! Je dois trouver une autre solution et vite !
C’est alors qu’une nouvelle source d’énergie fait son apparition. De grande taille, bien canalisée, elle descend comme une flèche sur les Raucos. Les yeux de Gindar se révulsent quand il en reconnait l’empreinte.
Un ange !

Il regarde autour de lui, au bord de la panique. L’ange va les voir, il faut vite qu’ils se cachent quelque part.
Fort heureusement, Gindar repère un parc dont les arbres masquent le ciel. Parfait. Faisant de son mieux pour dissimuler son alcar et pour calmer Oonile, il s’y pose. Il était temps. Une voix forte et claire vient en effet d’entonner :

« Du royaume dans la neige des montagnes
Aux bois verts de la forêt cachée
Jamais encor par besoin ou aventure
Il n’a été dit ici, ce nom aux allures de mort »
- Verset 25….OOKAZI !

Aussitôt, une grosse boule de lumière jaillit de la main tendue de l’ange et va réduire en poussière les deux plus gros monstres de la horde. Les survivants hurlent de terreur et se dispersent sans demander leur reste.
L’ange atterrit, l’air satisfait, mais il écarquille brusquement les yeux. De justesse, il se jette sur le coté et évite un coup de hache sortie de nulle part.

- Ha merde ! J’aurais aimé te découper du premier coup….
L’assaillant porte une tunique rouge vive, sa hache est énorme. Et son alcar…
Depuis sa cachette, Gindar a compris la situation : un Démon et un Ange sont face à face….

- Un être de ton niveau, me découper ? Ricane l’ange en atterrissant tranquillement. Tu me fais rire, ancêtre !
Là dessus, son aura augmente encore et une fine épée apparait dans sa main.
- Je vais t’éclater, ange de mes deux ! s’exclame le Démon.
- Approche seulement !

D’un seul mouvement, les deux adversaires s’élancent et l’épée croise la hache. L’ange se défile vite et passe sous la garde adverse. Mais, le vieux Démon saisit l’arme à main nue et la hache fait couler le sang du jeune homme.
Il va le tuer ! pense Gindar. Il faut que je….
Mais au moment où il fait un pas en avant, une main se pose sur son épaule et le retient. Gindar sursaute et se retourne. Qui a pu…il se fige sur place en reconnaissant Kumano, le petit ami d’Elanor.

- Qu’est ce que tu comptes faire, au juste ? demande le mystérieux jeune homme d’une voix parfaitement modulée.
- Ce Démon va le tuer ! réplique Gindar en se dégageant.
- Et alors ? Ca ne répond pas à ma question. Tu sais ce que tu risques, non ?
- Mais…
- Mais rien du tout, rétorque Kumano, catégorique. L’ange que tu vois porte les insignes de Cavalier et il est face à un Chevalier de l’enfer. Ce combat les concerne eux, pas toi. Alors réfléchis et reste en dehors.

Pendant ce temps, le Chevalier est reparti à l’attaque. L’ange utilise le verset 17 CORPS DE PIERRE pour arrêter un coup de hache et son épée rend le coup précédent.
- T’es pas aussi mauvais que t’en as l’air, ange ! s’exclame le Démon en essuyant le sang sur sa manche. Ca va être marrant en fait…
- Ca dépend pour qui, démon ! réplique l’ange. Verset 19…RAMAI !

La foudre s’abat brutalement et le Démon manque de peu de se faire incinérer sur place. L’épée profite de l’ouverture et frappe de nouveau.
Le Démon recule en pestant. Mais, vigilant, il lance le 1er verset RAIGEKI et c’est au tour de l’ange d’être pris par surprise.
Opportuniste, le Chevalier arme son bras droit et lance sa hache droit vers l’adversaire. Le lourd tranchant se fiche presque aussitôt dans la poitrine de l’ange.
Les yeux du jeune Cavalier se révulsent. Il pousse un râle, du sang au coin de la bouche, puis ses jambes ne le portent plus. La hache s’arrache de son torse pour revenir dans la main de son propriétaire tandis que l’ange s’effondre.

Gindar veut intervenir mais Kumano le retient fortement. Le Chevalier s’est approché de sa victime.
Il lève sa hache et lui fracasse le crane comme une pastèque avant de ricaner et de s’envoler. Gindar comprend qu’il vient d’apprendre une nouvelle leçon.

Cependant, comme d’habitude, les nouvelles connaissances s’accompagnent de nouvelles questions, encore plus mystérieuses : Qui est donc ce Kumano en fin de compte ? Aussi un Ange ? D’autant plus qu’il semble savoir pas mal de chose sur le Paradis et l’Enfer…sans compter qu’il fréquente un ange qui n’est surement pas au bas de l’échelle hiérarchique…Que de questions !

Les jours ont passé. Pour s’occuper, Revi et Varna partent souvent en promenade.
Explorer le monde réel sous forme d’âme est particulièrement intéressant, et faire de grands tours dans le ciel pur, c’est l’idéal pour se changer les idées après une journée d’entrainement intensif.

Malheureusement, les deux humains ne maitrisent pas encore parfaitement leur alcar, et certains Raucos ont un sixième sens très développé dans ce domaine. Les dégagements d’énergie les attirent aussi surement que le sucre attire les guêpes, pour un résultat au moins aussi ennuyeux.

- Tu sais, est en train de dire Revi. Je me demande ce qui se passerait si on essayait de monter vers l’espace. T’imagine le truc ? Ce serait…
Une onde de pure violence lui vrille tout d’un coup l’esprit, et, sans chercher à comprendre, il se jette sur le coté. Il était temps : un Rauco sous forme de rapace décharné le dépasse en hurlant.

- Bordel de merde ! peste le jeune homme. Varna !
- J’le vois ! répond celle-ci. Il revient !
Le rapace vient en effet de faire un grand tour sur lui-même, et il fonce de nouveau plein régime sur les deux humains.
- Laisse-le-moi, déclare Varna avec assurance.
Revi lui lance un regard interrogateur.
- Tu es sûr ?
Varna ne lui répond même pas. Alors que le rapace arrive sur eux, elle tend une main et annonce d’une voix claire :
- Verset 25, OOKAZI !

La boule de lumière qui quitte sa paume traverse l’air à la vitesse de l’éclair et explose au contact du Rauco. Quand l’éclat se dissipe, le corps carbonisé du monstre décroche déjà vers le sol.
- Pas mal joué, sœurette ! approuve Revi avec un hochement de tête.
- Oh, c’était pas grand-chose, relativise Varna. N’exagère…

Un ricanement sorti de nulle part lui coupe la parole. Pris de surprise, Revi et Varna se tournent.
Ils se figent sur place : deux êtres, vêtus de tunique rouge sang, se tiennent en équilibre dans l’air à une vingtaine de mètres d’eux.
- Merde ! siffle Revi en grinçant des dents. On s’est fait avoir…
Il a bien raison de pester. Depuis des jours, ils essayaient à tout prix d’éviter le contact avec une patrouille. Et les voilà face à l’une d’elle. Vu leurs tenues, il s’agit surement de représentants de l’Enfer. Non pas que cela fasse une grande différence, mais quand même…

- He ben ! s’exclame le premier Démon, un gros costaud, au moins aussi baraqué que Revi. En voilà des anges étranges ! Je vais vous apprendre à rester à votre place, moi !

Sans un mot de plus, et sans un regard pour son collègue, il s’élance.
Quelle vitesse ! se dit Revi en évitant de justesse d’un pas sur le coté.
- Ho ? Pas mal, fait le Démon en se retournant avec un petit sourire narquois.
Tant pis, pense Revi. Cette fois, on a plus le choix…
- T’as encore rien vu ! s’exclame-t-il.

Dans une montée d’alcar, le sabre du jeune homme se matérialise dans sa main, et un revers de toute beauté fuse vers le Démon. Mais le baraqué ne se laisse pas avoir, et esquive la lame d’un simple petit bond arrière.
Revi sent l’adrénaline affluer dans ses veines. S’entrainer au combat c’est une chose, le combat réel en est une autre.
Le jeune homme ne peut s’empêcher de plonger son regard dans celui du Démon. Il n’y a pas une seule étincelle de doute chez son adversaire, c’est un habitué des combats. Revi sent ses doigts trembler, il resserre sa prise sur son sabre et fait de mieux pour inspirer à fond.

- T’es un Chevalier, c’est ça ? demande Revi, en essayant de mettre de l’assurance dans sa voix.
Le Démon élargit son sourire, dévoilant une rangée de dents à l’hygiène douteuse.
- Ouaip ! Et toi, tu vis tes dernières minutes !
- Revi…murmure Varna.

Celle-ci se tient, figée de terreur, à quelques mètres derrière son frère. Son cœur bat à toute allure, une grosse boule lui obscurcit la gorge.
Elle peut sentir la pression spirituelle qui émane des Démons, la volonté de meurtre dans leurs yeux. Elle essaye de faire un pas en arrière, mais ses jambes tremblent tellement qu’elle faillit perdre l’équilibre.
- Revi…bredouille-t-elle.
- Reste derrière moi, lui répond son frère. Je m’occupe de ces gars.

Le jeune homme fait de son mieux pour se contrôler, mais la peur transparait dans sa voix. Cela arrache un ricanement à son adversaire.
- Mais tu trembles ma parole ! C’est ta première mission, hein ? Pas de bol, ce sera ta dernière !
Revi avale de travers.
- He, vieux ! lance le Démon à son compagnon, qui n’a toujours pas bougé. Tu me le laisses, hein ?
- Fais ce que tu veux, répond-il, pas plus intéressé que cela.
- Okay. Prépare-toi à crever, sale ange de merde ! s’exclame le baraqué.
C’est un sabre presque identique à celui de Revi qui se déploie dans sa main.

Le jeune humain prend alors une profonde inspiration. Cette fois, c’est pour de bon. Il va devoir se battre, se battre pour sa vie et celle de sa sœur. C’est son rôle, et il doit le tenir. Armé de cette seule certitude, Revi serre fort la garde de son arme et solidifie ses appuis.
La concentration combat la peur dans son esprit, il est prêt. Qu’il vienne ! Oui, qu’il vienne !
Tu vas voir, pense-t-il en fronçant le regard. Tu vas voir que j’ai changé.
Inexplicablement, une image de son père lui revient en mémoire. Crasseux, les yeux vitreux, son géniteur est le symbole de ce qu’il déteste le plus. A la vue de cette horreur, la colère remplace la peur dans le cœur de Revi. De cette rage nait une détermination nouvelle, qui donne enfin au jeune homme l’assurance dont il avait besoin.
Ouais. J’ai changé…

Revi bouge en même temps que son adversaire. Le duel s’engage aussitôt, la lame de Revi tombe avec force, mais le sabre du Démon détourne le fer sans difficulté.
Le choc dans son poignet est rude, mais Revi tient. Une nouvelle frappe, l’adrénaline coule à flot dans ses veines, et les images du passé donnent de plus en plus de force aux épaules et au bras du jeune homme.
Le Démon esquive, tente une contre-attaque. Mais Revi est très concentré. Vif et le visage fermé, il prend le bon angle, détourne la lame adverse, et met du cœur dans sa riposte.
Je ne vais pas perdre. Je ne suis pas…le même ! s’exclame-t-il en pensée alors qu’il effectue une difficile parade haute, suivie d’une riposte que le Démon esquive en bougeant la tête.

Le combat semble très équilibré. C’est d’abord Revi qui avance mais une parade vive suivie d’une riposte foudroyante l’oblige à se mettre sur la défensive.
Varna, elle, commence doucement à se remettre de ses émotions. D’abord tétanisée, elle respire profondément pour refaire le vide dans sa tête. Ses pensées se calment, elle peut à nouveau analyser la situation.
La jeune femme voudrait de tout son cœur intervenir, mais elle sent que le deuxième Démon ne la quitte pas des yeux. Elle n’ose pas tourner la tête pour affronter son regard, mais le sent qui pèse sur elle. II ne faut pas qu’elle bouge…

Pendant ce temps, le combat continue. Revi récolte une méchante blessure à l’épaule mais parvient à placer une riposte qui fait couler le sang sur le visage de son adversaire.
- J’parie que t’es un Cavalier, hein ? lâche le Démon en riant. Et un bon en plus. C’est parfait pour mon tableau de chasse !

Et il repart à l’attaque. Revi choisit de l’éviter et tente une contre-attaque hardie que le Démon esquive à son tour.
C’est ce dernier qui réagit le plus vite. Il décoche un puissant coup de tête et le nez de Revi éclate. La douleur fuse comme une décharge dans le cerveau du jeune homme tandis que la lame du Chevalier se lève pour le dernier coup.
Cependant, Revi accompagne son mouvement vers l’arrière d’un salto et repousse la lame avec sa botte.
Il se rétablit sur ses deux pieds, se propulse en avant, et son sabre s’enfonce brutalement dans la poitrine du Chevalier.
Une trainée de liquide rouge poisseux souille les deux mains de Revi quand la pointe de sa lame ressort dans le dos du Démon.
- T’ain, éructe celui-ci. Me faire avoir comme ça…fait chier…

Je ne suis pas le même, pense Revi. Je ne suis pas…le même !
Le corps du Démon s’affaisse comme un tas de viande flasque, avant de s’effondrer dans la poussière.
Revi retire sa lame et un jet de sang lui éclabousse la veste et le visage. Un sentiment d’euphorie lui envahit l’esprit, comme une drogue. Il se sent puissant. Mais cela ne dure pas : l’horreur le rattrape, et il baisse les yeux.

Un cadavre, un meurtrier. Voilà ce que Revi est devenu aujourd’hui : un meurtrier. Marqué par le sang, il sera sali à jamais.
Cependant, une fois encore, cette prise de conscience ne dure qu’une seconde. C’était obligé, il le fallait. En baissant les yeux sur sa main ensanglantée, Revi y revoit une main d’enfant, qui vient d’essuyer une arcade sourcilière éclatée.
Tu vois ? demande-t-il à l’image de son père, titubant sa ceinture à la main. Je ne serai plus jamais aussi faible qu’avant.
.
- REVI ! s’écrie Varna en courant vers lui.
Le jeune homme tient à peine sur ses jambes, mais il repousse sa sœur. Il reste encore le deuxième Démon….
- Amène-toi ! lui lance l’humain. Je vais… te faire ta fête !
Nullement affecté par la mort de son camarade, le Démon se contente de sourire.
- C’est ce qu’on verra.

Un souffle de vent, il disparait….pour se matérialiser à moins d’une mètre devant Revi.
- Fait chier…
Une fine lame d’acier traverse l’air en sifflant et Revi vole en arrière en crachant du sang. Varna hurle mais le Démon réapparait aussitôt en face d’elle.
Un RAIGEKI la touche de plein fouet et la jeune femme s’effondre aux cotés de son frère, sans autre forme de procès. Elle n’a même pas senti la douleur, les ténèbres se sont refermées sur elle d’un seul coup.
Le Démon s’approche d’eux et tend la main.
- Bon, je vais en finir maintenant, des anges risquent de venir. Verset numéro 25…OOKAZI !

La boule de lumière part de sa main mais elle ne touchera rien. Tombé de nulle part, Gindar vient de se matérialiser devant ses amis.

La lame de Gindar siffle dans l’air, et détourne la boule de lumière vers le ciel aussi facilement qu’une balle de tennis.

- He bien, recule le Démon, surpris. Encore un adversaire, c’est le jour décidemment.
- Tu es un Primat, n’est-ce pas ? demande Gindar en se levant.
Il a l’air beaucoup plus calme que ne l’étaient ses deux amis. Il émane de lui une assurance étrange, dans laquelle se mêle un sentiment obscur…et inhumain.
- Et toi tu as l’air d’être un Roi, réplique le Démon sans montrer la moindre appréhension. C’est parfait. Prépare-toi à mourir.
Gindar plisse les yeux.
- On va voir….

Le Démon apparait brusquement devant lui, mais la lame de Gindar s’abaisse aussitôt pour parer le coup.
Sans perdre une seconde, il enchaine sur un RAIGEKI qui oblige le Primat à se dégager. Dans les airs, ils reprennent contact et leurs lames se croisent. Ils échangent une succession de coups rapides avant de retoucher le sol et de se séparer.

- Tu es bien un Roi, pas de doute.
- Et toi tu es bien un Primat, réplique Gindar du tac au tac.
Et je peux t’avoir ! ajoute-t-il pour lui-même.

Là-dessus, ils se volatilisent pour réapparaitre lame au contact.
Le Démon est le premier à se dégager et à pointer son doigt pour un RAIGEKI. Gindar évite en s’envolant.
Il lance également un éclair que le Démon repousse d’une main avant de prendre l’air à son tour. Les lames se croisent de nouveau. Mais cette fois, une vague noire sort de la lame du Primat et repousse son adversaire.
Loin de s’en faire pour autant, Gindar se laisse porter par la poussée, puis se dégage quand le poids de l’énergie a suffisamment baissé.
Je me doutais, pense-t-il. C’est logique qu’un Primat soit capable de desceller son pouvoir.
Un mince sourire apparait sur ses lèvres.
J’aurais préféré le tester d’abord en entrainement, mais tant pis

Le jeune homme ferme les yeux et essaye de visualiser le feu qui brule en lui.
Il pratique cela depuis des jours sous les conseils d’Elanor pour entrer en contact avec son pouvoir. Sans résultat, du moins jusqu’au matin même.
Gindar avait cru entendre comme un murmure dans son esprit. Une sorte de mélopée douce qui ne quitte plus ses oreilles depuis. Le jeune homme avait décidé de se concentrer dessus lors de son prochain entrainement. Mais…

Un picotement familier dans son épine dorsal l’alerte soudainement. Se fiant à son instinct, Gindar inverse sa ligne des épaules.
La lame effilée de son adversaire passe en sifflant à deux centimètres de sa clavicule. Saisissant l’opportunité, Gindar décoche un revers de lame, mais le Primat est suffisamment vif à la parade pour se défendre.
Une nouvelle fois, une vague d’énergie noire envahit la lame du Démon et dégage violement Gindar du corps à corps. Le Primat pointe immédiatement un doigt et lance un éclair fin comme un rasoir. Un mouvement de tête reflexe sauve la vie de Gindar.

Quand il reprend sa garde, le Démon est déjà sur lui. Les deux lames se croisent à trois reprises, avant que le Primat parvienne à verrouiller les deux gardes. Gindar comprend qu’il est cuit.
La prise de fer adverse est trop bien exécutée, aucun espoir de dégager sa lame. Il est bon pour l’épreuve de force. L’étincelle dans les yeux de son adversaire l’informe que c’est précisément ce que celui-ci attendait.
Sa lame se charge d’énergie sombre, Gindar sent le poids sur son poignet augmenter. Il va bientôt craquer…

Le jeune homme sait qu’il n’y a plus qu’une seule façon pour lui de s’en sortir. Il lui faut retrouver la mélodie dans son esprit et l’écouter.
La pression se fait insupportable sur ses bras. Son visage est si proche de celui du Primat que Gindar peut sentir son souffle qui s’accélère. Il ne plaisante pas, il veut vraiment le tuer…

Le Démon le fixe des yeux. Gindar essaye de détourner le regard pour se concentrer sur son esprit, mais n’y parvient pas. L’éclat du Primat est trop intense, il va le vider de ses derniers espoirs.
Le sang bat à tout rompre dans les veines du jeune homme, mais il ne l’entend même plus. La douleur lui tétanise les muscles, mais il ne la sent plus. Sa gorge est sèche, il manque d’air, il étouffe. Mais aucune de ces pensées ne l’atteint. Pour Gindar, il n’y a plus rien que le silence et l’éclat noir des pupilles du Primat.

L’agonie…oui, c’est ça. Le rideau tombe sur Gindar. Au moins, il mourra avec une magnifique musique dans les oreilles.
Qu’elle est belle cette mélodie d’ailleurs. Douce mais forte, réconfortante mais entrainante, elle berce lentement l’esprit mourant du jeune homme
Tiens, c’est étrange. Gindar sent ses forces l’abandonner, sa vue s’obscurcit, ses muscles se relâchent…mais la musique se fait de plus en plus forte dans ses oreilles.
Une minute, ce n’est pas une musique…non, c’est une chanson. Mais oui. Il y a des paroles, des paroles qui disent…

Sans prévenir, une soudaine masse d’informations envahit le cerveau de Gindar.
Mais…mais….mais...
La chanson ne s’arrête pas. Gindar boit chaque parole comme un assoiffé, et chaque mot le reproche un peu plus d’une conclusion que son esprit attendait depuis toujours.
Mais oui, c’est ça ! C’est tellement simple ! Il suffit juste de…

Comme si on venait de le brancher sur une prise de courant, Gindar sent la vie rejaillir en lui. Son esprit s’éclaircit, l’air gonfle ses poumons, ses muscles se tendent. Il ressent de nouveau ses doigts autour de la garde de son sabre. Il est de retour…
Plongé dans les yeux du Primat, son regard se durcit. Ce n’est qu’alors que son adversaire comprend ce qui vient de se passer.
- Non…murmure-t-il.
Il n’ajoutera rien d’autre. Le sabre de Gindar pulse comme un réacteur nucléaire en fusion. Une lumière intense s’en dégage, une lumière qui ne cesse de croitre avant de…



L’explosion est si violente que Revi et Varna sont douloureusement arrachés à leur coma. Une énorme pression énergétique pèse dans l’air. Les deux frères et sœur n’en reviennent pas quand ils lèvent les yeux vers son origine.
Gindar n’a pas changé, mais son sabre brille comme un soleil. Les couleurs de l’arc en ciel dansent sur la lame, donnant à l’arme un scintillement céleste.

Varna et Revi ne mettent pas longtemps à comprendre. Leur ami vient de faire sauter le sceau qui brimait ses pouvoirs.
Ils ne sont pas les seuls à être surpris. Le Primat est également sous le choc. Pas par le pouvoir en lui-même, mais par l’intensité qui s’en dégage. Cependant, il se maitrise bien vite.
- Etrange…
- Etrange ? répète Gindar.
La voix du jeune homme résonne d’une assurance toute neuve. Mais le Primat ne se laisse pas impressionner.
- Oui, étrange. Ton alcar est celui d’un Roi, il n’y a aucun doute. Mais ton Dan…il est tellement instable qu’on dirait que tu viens juste de le découvrir. C’est très inhabituel.
Gindar se contente de sourire.
- Qui te dit que je suis un ange, d’abord ?

La réplique du jeune homme laisse le Démon bouche bée. Avant qu’il ait pu répliquer, Gindar balaye l’air de son sabre. Une intense onde de lumière émane de la lame, aveuglant son adversaire l’espace d’un instant.
- Qu’est ce que…
Gindar ne perd pas son temps. Avec assurance, il s’exclame :
- Verset numéro 15…FOUET DE LUMIERE !

Quand l’éclat lumineux se dissipe, la corde s’est déjà enroulée autour des hanches du Primat. C’est parfait pour Gindar. Confiant, le jeune homme s’élance lame en avant.
Mais il a sous-estimé son adversaire. Retrouvant vite son calme, ce dernier scande aussitôt :
- Verset numéro 15….annulation !
Hein ???Hurle l’esprit de Gindar.

Les liens disparaissent et la lame du Démon fonce dans l’ouverture. Gindar est obligé de couper son mouvement pour sauver sa vie, mais c’est au prix de son équilibre.
Sans appui, le jeune homme décroche, et part heurter le sol avec violence.

- Tu as une bien étrange façon de te battre pour un Roi, déclare le Démon en regagnant la terre ferme. Croire qu’un sort de ce niveau allait te donner la victoire, à quoi tu pensais, imbécile !
Merde, peste Gindar en se relevant péniblement. Je savais pas qu’on pouvait annuler les sorts comme ça. Ca craint. Faut que je…



A ce moment là, un fin bruissement d’air passe entre les deux adversaires. Une silhouette vient d’apparaitre. Ses cheveux noirs dansant encore dans le souffle, Elanor braque un regard de glace sur son élève.
Gindar et le Primat sursautent à l’unisson. Le visage du Démon se tétanise quand il reconnait la jeune femme.

- Vous ! Vous…vous êtes en vie !
Elanor se tourne vers lui. Elle n’a pas l’air d’humour à jouer.
- On dirait que tu me reconnais. Tant mieux, tu viens de sauver ta vie. Rentre d’où tu viens, Primat. Je n’ai pas l’intention de me battre contre toi.
D’abord franchement terrorisé, le Démon se reprend vite.
- Je ne vais pas m’en plaindre. Mais les Zodiacs seront surement intéressés par mon rapport.
- Rien à faire. Pars.

Le Démon ne répond rien et prend la fuite sans demander son reste. Elanor se retourne alors vers les humains.
- Putain ! Vous pensiez à quoi, bande d’abrutis !